Interview de Yoann Brogol de Subverti réalisée lors du Festival International des Jeux de Cannes 2024
Lors de son séjour au Festival International des Jeux de Cannes, la Proxi-Team a rencontré de nombreuses actrices et de nombreux acteurs du monde du jeu de société. Cyrus et Élodie discutent avec Yoann Brogol fondateur et seul à bord de la société d’édition Subverti.
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Dans cette interview, nous abordons avec Yoann Brogol, les différentes facettes de la société Subverti.
On parle d’abord des cartes mises à disposition sur le site Internet de Subverti qui ont pour vocation de renseigner sur la liste des festivals, des éditeurs, les associations mais aussi des boutiques de jeux.
Subverti, ce n’est pas évidemment pas que cela, c’est un éditeur de jeux. On parle des ses jeux, mais aussi de sa vision du jeu. En particulier, nous abordons la dimension engagée que revêt cet éditeur en particulier. Qu’est-ce qu’un jeu engagé ? Qu’est-ce qu’un éditeur engagé ? Subverti fait parti du collectif des éditeurs de jeux engagés nommé « Collectif du jeu engagé« .
Les vraies réponses de Yoann Brogol à notre fil rouge emmêlé :
- Quel est ton jeu « madeleine de Proust » ? Labyrinthe
- Quel est ton genre de jeu préféré ? Jeux de stratégie avec des règles simples
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- Quel est ton jeu préféré dans ce genre ? Living Forest
- Peux-tu citer un jeu qui se trouve dans ta ludothèque mais dont tu as honte ? Le jeu du doigt
- Tu pars pour 3 semaines et tu ne peux prendre qu’un seul jeu. Lequel prends-tu ? [kosmopoli:t]
- Tu es invité.e pour une soirée chez des gens que tu ne connais pas, tu dois ramener un jeu, lequel ? Traître à bord
- T’avais prévu un méga tournoi de Challengers à 8, et tous tes amis t’ont laché… Vous vous retrouvez à 2, tu sors quel jeu ? Échecs
- Quel jeu aurais-tu aimé inventer ? Wingspan
- A quel jeu aimerais-tu jouer en sortant de cette interview ? Lanfeust de Troy
Un commentaire sur le format plus que sur l’interview en lui-même.
Bravo pour les rencontres c’est toujours très plaisant à écouter.
Seul bémol. Le fil rouge mélangé je trouve pas ça du tout adapté au format podcast.
Et malheureusement je ne vais jamais sur le site pour le revoir dans le bon sens.
Dans l’ordre ça m’irait très bien 🙂
Merci pour ton retour, on en prend bonne note pour l’année prochaine 😉
Bonjour,
Merci pour cette interview qui me permet de découvrir Subverti.
Effectivement la question de la responsabilité des auteurs et éditeurs au regard des thèmes et de leur traitement est important. Mais le moteur, les mécanismes mis en œuvre, sont peut-être plus important que la forme, car moins visible au premier abord. Bien sûr il est important de se pencher sur les représentations véhiculées par les jeux, les images, représentations graphiques et symboles utilisés, sans de mon point de vue dénaturer les œuvres produites, mais avec des choix assumés.
De fait, on s’interroge moins souvent sur les modes de pensée véhiculés par les mécanismes de jeux. Or, si comme votre invité je pense qu’il y a un lien étroit entre les représentations dans les jeux et les comportements dans la vie réelle, alors nous rejoignons tous les deux Boris Solinski qui dans sa thèse intitulée « Ludologie : jeu, discours, complexité. Sociologie (Université de Lorraine, 2015 ⟨NNT : 2015LORR0129⟩) » écrit que « Tout jeu est une modélisation du monde, un symbole, qui réunit le monde imaginaire et le monde réel, le jeu étant la communication entre ces deux réalités dont il constitue une réduction appréhensible pour notre esprit ».
Prenons les jeux de gestion ou de développement. La très grande majorité d’entre eux participent d’une vision erronée du monde avec des ressources infinies ou non limitantes et un développement exponentiel. Il suffit pour s’en convaincre de consulter les blogs de webdesign. Voici deux exemples parmi d’autres : “I will formally define engine-building games as those which exhibit exponential player state growth” (https://boardgamesnob.com/2017/07/29/the-problem-of-engine-building-games-part-1/) ou “Bigger, Better, Faster, Stronger: Or Designing the Ultimate Engine Builder” (Mike Wokasch and Cassie Elle, https://www.theindiegamereport.com/2016/11/bigger-better-faster-stronger-or-designing-the-ultimate-engine-builder-you/).
Je connais très peu de jeux qui ne répondent pas à ces règles. Il me vient en tête Atiwa d’Uwe Rosenberg où, même s’il faut gagner plus de points de victoire, la prise en compte du maintien de la population de chauve-souris est partie intégrante du jeu. On pourrait aussi citer Terristories publié chez Bioviva. Mais là le cas est un peu particulier car ce jeu est l’adaptation d’un jeu sérieux du CIRAD (https://www.cirad.fr/collaborer-avec-nous/solutions-cirad-innov/produits-et-services/terristories-R). Je vous conseille d’ailleurs l’interview très intéressante de son concepteur Patrick d’Aquino (https://www.calameo.com/read/005567003fcc12dc2c893 Page 38).
Or nous savons tous que, dans une situation de dépassement de plusieurs des limites planétaires, ce type de dynamique n’est plus entendable (https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/societe/article/limites-planetaires). C’est cette réflexion qui m’a conduit à la création du jeu In Circulo. C’est un jeu coopératif dans lequel les joueurs incarnent des agriculteurs et des agronomes qui doivent nourrir une colonie sous un dôme lors d’une expérience de survie en autonomie totale en s’assurant du maximum de durabilité du système mis en place.
In Circulo est un jeu de développement avec des ressources finies qui confronte les joueurs à une tension croissante entre ressource et besoin en l’absence de développement exponentiel (au contraire, la courbe de développement de la production est asymptotique). Le jeu est construit sur une base plausible de production agricole & de besoins d’alimentation humaine en valorisant la diversité des productions végétales et animales et leur complémentarité.
Une partie de In Circulo est Divisé en 4 périodes. A la fin de chaque période les joueurs doivent nourrir la colonie. Chaque période comporte au maximum 8 tours de jeu pour produire des ressources en activant des ateliers. Les joueurs perdent si Ils ont accumulé trop de déchets ou de coproduits, s’ils n’ont plus assez d’eau pour abreuver la colonie ou s’ils n’ont pas assez de ressources pour nourrir la colonie.
Au cours de la partie, les joueurs sont confrontés à la gestion de 11 ressources différentes : des éléments potentiellement polluants les déchets qui s’accumulent les coproduits qui peuvent être recyclés ; des ressources dont ils ne maitrisent pas le renouvellement comme l’eau, le stock d’énergie initial ; des sources d’énergie stockables (méthaniseur ou distilleur) ou non stockables (énergie solaire) ; des ressources alimentaires consommables par l’homme (glucides, lipides et protéines d’origines animales et végétales) et des ressources alimentaires utilisables uniquement par les animaux.
Le jeu a été développé pour être joué en version « loisir » et à ce titre je l’ai présenté en 2022 à PEL au concours jeux de demain catégorie expert. Il était très intéressant de comparer les réflexes des joueurs face à des jeux de gestion « classiques » et la dynamique proposée par In Circulo. Chez certain cette expérience a ouvert une discussion très intéressante sur les dynamiques de développement.
J’ai aussi travaillé un usage en jeu sérieux pour des séances au lycée sur les agrosytèmes ou pour ouvrir un dialogue lors de réflexions sur l’alimentation locale ou les projets d’alimentation territoriaux. A ce titre il est référencé dans la base de jeux sérieux GAMAE liés à l’environnement l’agriculture et l’alimentation, créé par l’INRAE (https://gamae.fr/).
Si vous voulez en savoir un peu plus : https://laurent36.typepad.com/blog/2022/07/in-circulo-jeu-coop%C3%A9ratif.html
In Circulo sur Gamae : https://ludotheque.gamae.fr/game/4
Présentation de in Circulo dans un colloque du RMT SPICEE sur les interactions cultures et élevages : https://interactions-culture-elevage.colloque.inrae.fr/programme
Et plus particulièrement la session 3 intitulée « Des jeux, vous êtes sérieux ? » :
https://interactions-culture-elevage.colloque.inrae.fr/content/download/547/5412?version=1
https://interactions-culture-elevage.colloque.inrae.fr/content/download/638/5710?version=1