C’est le 28 avril 2013 que se tenait à Tokyo, dans le 3ème hall ouest du site de Tokyo Big Site, le Game Market 2013. Qu’est-ce donc, me demande déjà un auditeur perdu dans le métro, pour l’occasion devenu lecteur ? Eh bien, c’est à une échelle bien plus humble (mais, vraiment, plus humble… oui, en y réfléchissant bien, la comparaison ne tient pas la route, mais enfin, bon… bref, vous m’aurez compris), le salon d’Essen japonais.
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Le hall était assez grand mais loin d’être aussi impressionnant que ceux utilisés par le salon allemand. Il y avait plusieurs rangées, représentant les différents créateurs et auto éditeurs de jeux. Chaque rangée était pourvue d’une trentaine ou une quarantaine de tables d’écolier (comprendre à usage solitaire) où étaient posés les jeux, les accessoires de jeux et autres goodies que les dits créateurs proposaient. Autour de cet axe central formé par les rangées, on pouvait dénombrer plusieurs gros spots, en fait les grosses enseignes (là aussi, la question de l’échelle par rapport à des enseignes européennes ou nord-américaines est importante) ou les distributeurs/éditeurs japonais.
Parmi ceux-ci : Tendays Games (magasin), Sugorokuya (magasin et aussi éditeur, notamment de Streams, de Mythe et d’autres petits jeux), le magasin de Nakanosan, Banesto, que je connais un peu puisqu’il me revend pas mal de jeux, ici, à Nagoya, Yellow Submarine (une chaîne de magasins dont je tairai le désaveu), et aussi, le distributeur Arclight ainsi que Oink Games (la société de Jun Sasaki, le créateur de Yabu no Naka (Hattari)…
On pouvait aussi trouver dans un tout petit coin du hall quelques tables pour jouer en famille… mais la famille au Game Market, euh, faut oublier.
Bien sûr, il ne faut pas oublier les dizaines de tables posées ici et là, accueillant des joueurs passagers, des flâneurs ludiques et des promeneurs du dimanche. On a eu l’occasion d’essayer quelques jeux et notamment Hoshilympics, sur lequel je reviendrai plus tard, Kobayakawa, de Jun Sasaki, sorti pour le salon, et Koryo, le futur jeu de Moonster Games, que Manu nous a fait tester avec une grande gentillesse.
L’ambiance était… comment dire ?… japonaise ! Des mecs, des mecs, des mecs partout et les rares filles, à franchement parler, étaient surtout des employées de magasins ou des filles déguisées en Maid, une spécialité nippone, qui fait rêver les garçons en manque d’amour ! Entre les garçons qui se précipitent sur les stands des auteurs pour attraper les nouveautés sans même les essayer, et ceux qui se baladent avec des valises vides dans les couloirs du salon pour faire le plein pour les prochaines décennies de jeux, les non joueurs ne se seraient pas aventurés plus de dix minutes avant de fuir à toutes jambes. Ce détail mis à part, c’était une très bonne expérience. Nous y avons fait quelques rencontres très sympathiques (l’avantage de parler la langue du pays, pour le coup !) et découvert des jeux sympas. Je vais d’ailleurs vous en présenter quelques-uns :
Kobayakawa : un indispensable du salon. AEG et Moonster Games étaient déjà sur le coup ! J’espère sincèrement que Manu parviendra à décrocher la distribution en Europe ! Le tout dernier jeu estampillé Oink Games et signé Jun Sasaki, pour lequel les discussions entre distributeurs semblaient aller bon train. Le jeu est d’une simplicité déconcertante et pourtant quelle richesse ! 15 cartes, numérotées de 1 à 15. Chaque joueur reçoit aussi 4 pièces au début de la partie. Celles-ci vont permettre de miser lors de chaque manche. 8 autres pièces font partie d’un pool commun dans lequel le vainqueur viendra piocher une pièce de plus que celles déjà misées par les autres joueurs. Le jeu se joue en 7 manches, avec pour particularité que la dernière se joue avec une mise de deux pièces. Au début de la manche, une carte est distribuée à chaque joueur. Au milieu de la table, on place le reste des cartes et on en découvre une. Cette carte est appelée Kobayakawa. Elle sera attribuée au joueur possédant la carte la plus faible à la fin de la manche. Chaque manche se déroule en deux étapes. A la première, chaque joueur aura deux choix : prendre une nouvelle carte et l’ajouter à sa main avant de n’en garder qu’une. La carte jetée sera posée face visible. Le deuxième choix permet de changer la Kobayakawa sans la regarder, faisant monter ou baisser sa valeur. Une fois que cette étape est terminée, les joueurs vont décider de miser une pièce ou de passer leur tour. Quand les mises sont posées, les joueurs qui ont participé à cette deuxième étape découvriront leur carte et celui qui aura la valeur totale la plus forte remportera la manche. La valeur est calculée comme suit : la carte de valeur la plus faible s’approprie la valeur de la Kobayakawa, l’autre n’a que la valeur de sa carte en main. Ce détail permet au jeu d’avoir une dimension bluff importante et de le rendre passionnant à jouer. On enchaîne les parties depuis notre retour de Tokyo.
Hoshilympics : Un petit jeu léger dans lequel on incarne des femmes au foyer pratiquant la lessive à grands renforts de talent de météorologue… Chaque joueur reçoit 5 cartes en début de manche : des vêtements de valeur diverse, des cartes de « shitagi dorobo » (comprendre « voleur de sous-vêtements », un classique japonais !) et des Teru Teru Bozu (des cartes qui posées à l’endroit permettent d’influencer le temps en bien, et posées à l’envers de l’influencer en mal). Au milieu de la table, on pose les cartes « météo » : grand soleil, ciel gris et pluie diluvienne… A chaque tour, les joueurs devront choisir quelles cartes jouer pour gêner les autres ou gagner un maximum de points. Il faudra essayer de deviner qui essaiera d’influencer le temps en bien ou en mal et donc bien choisir quels vêtements essayer de faire sécher. Le matériel est d’une qualité très moyenne mais le jeu est très sympa à jouer et fédérateur ! Il peut aussi faire perdre des amis puisque les scores finissent souvent dans le négatif. Les créateurs étaient eux aussi très gentils et j’ai longtemps discuté avec eux. J’attends de leurs nouvelles pour les prochaines sorties de jeux.
Les grands regrets de cette journée très dense en découverte resteront l’impossibilité de discuter avec Seiji Kanai et Takerubesan (de Japon Brand), avec qui j’avais eu l’occasion de sympathiser via Twitter, Facebook et autres réseaux sociaux. J’ai aussi pu me rendre compte que la plupart des jeux restaient des jeux de cartes. Il y en avait des dizaines à découvrir, et nombre d’entre eux étaient des prototypes. Il n’y a pas de doute, la question de l’espace dans les logements fait que les jeux japonais sont d’un type très différent de ceux que l’on retrouve en Europe : ici, la boîte d’Augustus ne fait pas long feu. Nous avons jeté la nôtre deux jours après l’achat du jeu pour en mettre tous les composants dans une toute petite boîte, plus à notre échelle.
L’un des meilleurs moments restera par contre la rencontre avec Manu. C’était court mais nous avons malgré tout pu tester Koryo et quel plaisir nous avons pris ! Je l’attends avec impatience !
Les autres jeux marquants :
Je vous renvoie vers des liens Internet :
Dragon’s Stone, Hidelot (un jeu de cartes sympatique), Aahbang!!, Card of the Dead, Cat Father et bien d’autres encore mais de très nombreux jeux étaient très inspirés des JRPG, moins intéressants pour moi et trop nippons à vrai dire. Et pour les plus Maid-oriented d’entre vous, Smash Up présenté à la japonaise, par des Maid… humm, désolé.
A noter aussi que la vague des jeux à 500 yens et en quelques cartes (lancée principalement par Seiji Kanai au Japon) continue de faire des remous. Okazu Brand, la marque de Hayashi (Trains, String Railways…), a en effet édité deux nouveaux jeux dans le genre avec chacun 24 cartes : Patronize et Sail to India. Peu d’infos, malheureusement, puisqu’il n’y a eu (et n’aura, semble-t-il) que 100 exemplaires, tous vendus dans la minute ! Deux exclusivités pour le Salon et pas de réimpression prévue. Bref, une mini-vague qui suit celle, majeure, de Seiji Kanai, dans ce monde du jeu minimaliste.
Quelques photos :
(l’année prochaine, promis, j’emporte mon vrai appareil parce que le truc d’iPomme n’est vraiment pas fait pour ça) !
Merci pour ce podcast en direct du Japon
Néanmoins, le petit mot de la fin a un peu écorché mes oreilles, tu regrettes l’absence d’enfants et d’épouses… sais-tu qu’il y a des femmes qui ne sont pas mariées ? sisi ça existe de nos jours, notre rôle ne se limite plus à celui d’épouse. On peut même travailler, et on peut aussi jouer. D’ailleurs y’a mêmes des femmes joueuses non mariées, et j’ai entendu dire, mais c’est peut être une légende urbaine qu’il y a même des femmes joueuses célibataires.
Merci Peggy pour ton commentaire, même si je suis déçu que tu t’arrêtes sur ce qui peut paraître une erreur de « sémantique ». Des femmes non mariées ? Bien sûr ! Des joueuses non mariées ? Je n’en doute pas une seconde. Mais dans cet article, je ne parle pas de la France ou d’un autre pays d’Europe ou d’Occident, comme les Japonais nous présente, je parle bel et bien du Japon. Un pays où les femmes non mariées se comptent sur les doigts de la main (la vie en couple n’existe quasiment pas hors du mariage, et le mariage au Japon, c’est d’abord un rêve chez la très très grande majorité des jeunes après le lycée et aussi, et surtout, un des domaines de la vie sociale où la pression est la plus forte), où les joueuses non mariées ne doivent même pas être recensées.
Parce que le jeu de plateau bénéficie, au même titre que les autres « hobby » au Japon, dans son sens japonais (collection de figurines, de photos de filles en vêtements de soubrette…), d’une image très « otaku » (et on est loin du sens positif ou peu négatif que le mot a pris dans nos mêmes contrées occidentales). Qui dit otaku au Japon dit garçon célibataire et peu enclin à la rencontre mixte entre 15 et 30 ans. Ca peut sonner comme un cliché mais c’est les clichés ont la vie dure.
Alors, pour ne pas avoir l’air de justifier l’injustifiable pour des Français, ou Francophones, j’aurais sans doute dû préciser des « femmes » plutôt que des épouses. Sauf que ce n’est pas une réalité ici. Les très rares femmes (jeunes ou moins jeunes) qui jouent aux jeux de plateau sont des mères et des épouses avant tout, parce que c’est ce que reflète la réalité de notre hobby au Japon.
Ca ne l’est pas en France, encore moins dans de très nombreux pays où le jeu est développé et où il semble enfin acquérir ses lettres de noblesse. Alors, mille pardons pour la formulation, puisque celle-ci semble t’avoir écorché les oreilles. Je suppose que désormais j’adapterai la teneur des textes à une culture francophone et non à mes réalités nouvelles.
Il n’y a aucune intention de sexisme dans la structure que j’ai employée, et même si celui-ci se montre souvent insidieux puisque présent dans les remarques les plus anodines, je pense ici ne pas avoir commis de maladresse. J’aimerais beaucoup que le nombre de joueuses augmentent ici, et surtout que les femmes puissent vivre sans nécessairement passer 10 ans de leur vie à traîner dans les gokon, les omiai et autres moyens de rencontrer un mari pour la vie pour le konkatsu mais ce n’est pas encore une réalité au Japon.
Je tiens cependant compte de ta remarque (et de ton ironie qui donne très envie de continuer à écrire et de s’exposer aux commentaires…) et espère que le reste de l’article, dont tu ne touches mot d’ailleurs, t’aura plu.
Ludiquement !
Izobretenik, merci beaucoup pour ta réponse.
J’écoute avec plaisir tes reportages en direct du Japon, je les trouve de qualité. J’apprécie beaucoup leur contenu, le petit mot de fin m’a fait tiquer, et je me suis permis de réagir.
Je te remercie pour tes explications, il est vrai qu’avec les éléments de contexte, je comprends beaucoup mieux l’utilisation de ce terme, ainsi que tes propos. J’ai fait de l’ethnocentrisme de base, et je m’en rends compte en te lisant.
Je suis rassurée !
merci !
Saut Peggy,
désolé pour le long retard ! Je note quand même que je devrai être plus clair désormais quant aux mots que j’emploie. Ca fait peut-être trop longtemps que je vis au Japon et j’ai tendance à ne pas faire attention aux formules. 🙂
Je suis content que les chroniques te plaisent. Je n’ai malheureusement pas pu participer à la conception du numéro 47 mais j’espère pouvoir continuer à proposer du contenu sur le jeu au Japon, et ton premier commentaire m’a donné une idée de sujet !