Introduction
Dans ce dossier, Kurts, Cyrus, Le Pionfesseur et Élodie parlent, sous différents angles, de la relation entre l’art et le jeu de société.
Écouter l’émission
3:41:26 - Télécharger le fichier mp3
Pour soutenir le fonctionnement de Proxi-Jeux
Pour nous soutenir, nous remercier ou encore nous encourager, vous pouvez le faire via PayPal ou nous contacter pour réaliser un virement bancaire.
S’abonner aux podcasts diffusés par Proxi-Jeux
Vous pouvez « streamer » notre podcast ou vous abonner à notre flux Apple Podcast. Si vous nous appréciez, notez notre Podcast dans Apple Podcast et laissez-y un commentaire ! Sur Android, nous vous recommandons d’utiliser l’application (gratuite) Podcast Addict.
Retour sur les commentaires du dossier précédent
Le dossier précédent était consacré au fait de « Rejouer ». On en reparle rapidement, et vous pouvez consulter les commentaires relatifs à cet épisode ici.
La représentation du jeu dans les arts
Kurts entame ce dossier en passant en revue les différents arts et en analysant leur représentation du jeu de société.
Peinture et Arts Visuels : Le Jeu comme Représentation Sociale


Littérature : Le Jeu comme Métaphore et Dispositif Narratif


Théâtre : Le Jeu comme Métaphore du Pouvoir


Musique : Quand le Jeu Inspire les Mélodies
Kenny Rogers, The Gambler
Astéréostypie, Uno
Cinéma et Séries Télévisées : Une Narration Inspirée du Jeu




Stranger Things et la Perception des Jeux de Rôle
Un article (en anglais) sur la Satanic Panic des années 1980.
Supernatural et l’Épisode Cluedo
La bande annonce de l’épisode.
Le Film Cluedo : Une Adaptation Culte

Le jeu de société est un art
Notre équipe du soir va tenter de démontrer que le jeu de société est un art.
La patte des auteurs
Cyrus a choisi de s’appuyer sur les auteurs et autrices, celles et ceux qui créent les jeux pour avancer un argument de la nature artistique du jeu de société.
Dans cette chronique, il évoque son travail avec Le Pionfesseur autour du format Sortons le Grand Jeu réalisé pour Proxi-Jeux, dans lequel une rubrique est consacré aux auteurs et autrices du jeu mis en avant.
Qu’est-ce qu’une « patte d’auteur » ? Et qu’est-ce que cela dit de l’auteur et de l’œuvre ?
Autres preuves de la nature artistique du jeu
L’équipe discute des éléments qui sont à même de montrer que le jeu de société est un art.
Ensuite, un échange collégiale sur les Autres éléments qui montrent que le jeu est un art
Ci-dessous, quelques exemples d’affiche ghanéenne de films dont il était question dans l’émission.
Style et figure de style
Le Pionfesseur tente une délicate figure pour définir ce que pourrait être une figure de style au sens du jeu de société. Il expose ainsi pas moins de 3 théories envisagées !
La liste des exemples cités en figure de style :
- À l’échelle des valeurs
- Exagération : Le symbole infini dans Shards of Infinity
- Remplacement : Le 0 ou le X2 dans Flip7
- Remplacement : Les Points de Vie qui s’appellent « Humanité » dans Vagrantsong
- Inversion : Le Noble à Saint Pétersbourg qui fait perdre des sous
- À l’échelle des règles
- Exagération : Les jeux à mort subite / victoire immédiate (cf ce hors-série)
- Remplacement : Les cartes événement aux Charlatans de Belcastel
- Remplacement : Le fait de ne pas remélanger son deck dans Aeon’s End
- Inversion : Faire tous les plis à la Dame de Pique
- Inversion : Les vautours de Stupide Vautour
- Déplacement : Piocher en fin de tour dans Shotten Totten et Les Cités Perdues
- À l’échelle d’un élément
- Exagération : L’Ange de Platine à Magic
- Remplacement : L’Excuse au Tarot
- Inversion : Le Tanneur à Loup-Garou pour une Nuit
- À l’échelle d’une mécanique :
- Exagération : La pose d’ouvrier baroque d’À la Gloire d’Odin
- Remplacement : L’allégorie qu’implique le deck-building d’A Few Acres of Snow
- Remplacement : La mécanique de remélange des cartes de Pandémie
- Inversion : Château de Fable (anti-deck-building)
- Inversion : Lux ou Pikoko (jeux de plis où on voit l’inverse de d’habitude)
- Combinaison : The Crew (jeu de plis + coopératif)
- À l’échelle d’une dynamique :
- Exagération : Twilight Imperium ou 504
- Remplacement : Les enchères bizarres de Coloretto
- Inversion : Non Merci (inverse d’une enchère), Jekyll vs Hyde (logique très différente des jeux de plis)
- À l’échelle d’une mise en scène :
- Exagéaration : Ciao Ciao et son pont suspendu
Liens entre le jeu de société et les autres arts
Élodie, nous montre les Liens entre le jeu de société et les autres arts.
Conclusion
Obtenir un bon de réduction à la Caverne du Gobelin
Après une écoute attentive de l’émission, récupérez votre code de réduction de 5€ valable à la Caverne du Gobelin à partir de 40€ de commande.
Pour la chronique de Kurt, un très bon film des années 80, qui est un livre à la base, War Game, (je vous invite à regarder l’épisode de Crossed sur Youtube où Karim Debbache en parle 1000 fois mieux que moi) dans lequel le jeu du morpion a une grande importance pour la résolution, et ce fini sur la phrase « et si on faisait une partie d’echec ? » 😉
Oui, wargame, avec le tout jeune Matthew Broderick, un classique du film de SF d’anticipation.
Et un super exemple pour parler de l’utilisation du tic tac toe dans un film 🙂
Dossier au thème fascinant , vos angles sont très intéressants à suivre.
Je n’en suis qu’à la moitié mais je vous lache ma réflexion : A votre avis , dans le jds, l’œuvre d’art est-elle la règle du jeu , la boîte de jeu ou la partie de jeu ?
Les huit mon capitaine 😉
Dossier incroyable, du grand art *rires enregistrés nuls*
Juste deux remarques car épisode parfait sinon
1 – moi j’aime bien les Jumanji récents, y a eu mille fois pire en remake/reboot
2 – ma représentation préférée du jeu de rôle c’est pas Stranger Things ou Community et encore moins Big Bang Théory que je trouve honteuse comme série
Dans the IT crowd on suit la vie d’une petite équipe de support informatique. C’est très british et très drôle. Un des protagonistes se sert de Donjons et Dragons pour guérir son collègue d’une rupture, c’est juste une Master classe
Merci Erwik, il ne faut pas prendre ce que je dis sur certains films pour une vérité universelle.
J’ai juste tendance à être vite fâché avec certaines suite de film, il ne faut pas s’en formaliser 😉 (par exemple il n’existe que 4 star wars, 1 l’arme fatale, 3 Indiana Jones, et donc 1 jumanji 🙂 ) C’est mon côté « vieux con / arrêter de toucher au films de ma jeunesse » qui parle, il ne faut pas toujours l’écouter 😀
Bien sûr que la représentation dans IT crowd est fantastique, malheureusement je ne pouvais (voulais) pas être exhaustif, et j’ai pensé que stanger things parlerait à plus de monde …
« La Vie devant nous » était une sorte de « série dont vous êtes le héros ».
Diffusée sur TF1 entre 2000 et 2002, cette série avait une particularité interactive : à la fin de certains épisodes, les téléspectateurs pouvaient voter pour influencer le déroulement de l’intrigue dans les épisodes suivants. Les choix proposés concernaient des décisions importantes prises par les personnages principaux, souvent liés à leur vie sentimentale ou leurs dilemmes personnels. L’épisode suivant était ensuite tourné en fonction du choix majoritaire exprimé par les téléspectateurs.
Salut les Proxy, je souhaitais revenir sur l’axiome le jeu de société est un art. Je suis passionné d’art et vois l’art partout. Je comprends le point de vue et l’offuscation mais je voudrais jeter un pavé dans la mare: Et le jeu n’était pas un art mais un art-isanat?
La création de jeux de société se situe précisément à la croisée de l’art et de l’artisanat. C’est une forme d’expression où l’imaginaire, la narration et l’esthétique rencontrent la rigueur du design et la précision mécanique. D’un côté, on crée une expérience, un univers, une dynamique émotionnelle : c’est une démarche artistique. De l’autre, on façonne des règles, on équilibre des systèmes, on ajuste chaque élément pour qu’il fonctionne harmonieusement : c’est un travail d’artisan. Quand ces deux dimensions s’alignent, on atteint quelque chose de rare, à savoir un jeu qui touche autant par sa beauté que par sa fluidité.
Regardez maintenant le paysage ludique et cherchez à placer vos jeux sur une échelle entre les deux. Très Très souvent, le thème est un habillage, souvent choisi par le producteur (pensée pour les doughnuts de Bruno Cathala). Que reste-t-il donc si l’auteur du jeu ne choisit pas la « couleur » du jeu et que celle ci est appliquée pour répondre aux IMPERATIFS commerciaux légitimes ?
On est très souvent dans la zone grise et je pense même (purement subjectif) qu’on penche même du côté artisanat en faisant un bilan.
Au fond il y a un autre problème, la dévaluation de l’artisanat par rapport à l’art que l’on considère comme plus flatteur au risque de méqualifier?
Moi même étant photographe évoluant avec un régime très particulier et plutôt exceptionnel à la frontière (très très concrète en termes de réseaux et d’administration: impôts, régime santé etc) entre art et artisanat et étant confronté à ce problème de différenciation.
Les auteurs de jeux sont peut être des artisans, des artistes ? Cela ne nous empêchera pas de jouer!
Salut salut,
Alors non c’est pas vraiment un pavé dans la marre car cet argument j’ai déjà bien l’habitude d’y répondre, on me l’a déjà sorti plusieurs fois (par exemple suite au dossier sur les Serious Game où je faisais bien la distinction entre les jeux « esthétiques » qui sont de l’art et les Serious Game qui eux sont plus proche de l’artisanat, je peux t’inviter à aller réécouter ma chronique dans ce dossier).
En fait, je pense que ton erreur c’est de considérer le Game Design comme quelque chose de non-artistique. Ca serait autant une erreur que de considérer le solfège et la composition de musique comme quelque chose de non-artistique. (Mais peut-être est-ce ta vision des choses, et dans ce cas à peu près rien n’est de l’art alors ? Du moins certainement pas le cinéma, la musique ou la littérature par exemple, puisqu’eux aussi suivent des règles de conception, utilisent des techniques, suivent des règles, des dosages, des équilibrages). C’est quand même précisément le truc qui fait que le jeu est un art à part entière.
D’ailleurs c’est super bizarre de considérer que la partie artistique d’un jeu ça soit la thématique, tu tombes dans l’écueil d’Amabel Holland et de sa vision super américanisée du Game Design, ou encore dans l’erreur que font les gens pour défendre le fait que le jeu vidéo est un art en citant des jeux comme Okami ou je ne sais quel jeu narratif triple A à la con. Alors qu’un jeu comme Slay the Spire ou Balatro, où la partie « Game Design » prédomine disons (je le dis vite, il faudrait être plus précis, mais on se comprend), ces jeux-là sont tout autant des oeuvres artistiques et le Game Design en lui-même me provoque des émotions esthétiques incroyables.
Et si tu pense que ça n’est pas le cas, j’aimerais bien savoir pourquoi tu joues à des jeux en fait ?
Est-ce que la réponse à cette question sera plus proche de « Pour la même raison que je regarde des films » ou de « Pour la même raison que je mets des chaussures quand je marche » ?
Évidemment moi je réponds la première réponse : j’ai envie de me prendre des chocs esthétiques de Game Design dans la tronche, j’ai envie de voir ce qu’un auteur est capable de faire à mon esprit via cet objet matériel qu’est l’oeuvre artistique.
(par contre pour un Serious Game, moi je réponds plutôt la deuxième réponse, d’où le rapprochement avec l’artisanat)
Même topo sur le fait qu’il y ait une partie commerciale au jeu qui est soumise à un impératif de marché. Certes je suis d’accord avec le fait que ça va pervertir la démarche artistique, mais là encore, j’espère que tu appliques cette vision aussi au cinéma, à la musique et à la littérature et donc on enlève du domaine de l’art énormément de choses qui sont produites.
Finalement on dirait plutôt que tu ne vois l’art nulle part en suivant cette logique ahah 🙂
Et je dis ça sans aucun mépris pour l’artisanat relativement à l’art, c’est juste qu’ils n’ont pas la même utilité.
Je te rassure, je suis d’accord avec toi sur le fait que le game design, aussi bien que la thématique peuvent être de l’art. Encore une fois, je place plutôt les choses sur une échelle qui va de l’art à l’artisanat.
Mais en reprenant l’argument avec l’exemple d’un Luthier: Regardons ce bel objet qu’il produit, avec des techniques « d’orfèvre ». Un stradivarius est il une œuvre d’art? Ou le qualifie-t-on ainsi parce que le travail d’artisan est tellement réussi et l’objet Investi d’une aura qui lui offrira l’accès au qualificatif d’art comme métaphore ? La ligne est fine ici… L’ingénieur acousticien qui développe un nouveau procédé révolutionnaire permettant au violon qu’il développe de sonner toujours mieux fait-il de l’art de son procédé ?
On peut pousser le concept dans beaucoup de directions ! Les mathématiciens qui parlent de beauté et d’élégance dans un raisonnement… Passionné de physique, le raisonnement amenant aux conclusions de relativité générale me procure des émotions que je pourrais également qualifier d’esthétiques parce que j’y vois des lignes magnifiques de réseau d’idées se dessiner dans mon esprit. Beauty is in the eye of the beholder.
Mon point n’est pas de dévaluer le jeu de société en disant que ce n’est pas de l’art. Surtout pas! Ni dans ses thèmes, ni dans son discours, ni dans ses mécanismes. Je pense qu’il s’agit plutôt de questionner le terme art, qu’on utilise partout pour user de sa force et de son «prestige » alors que je pense que le terme artisanat est souvent plus approprié mais délaissé parce que dévalorisé.
L’idée n’est pas de dire « ce n’est pas de l’art parce que c’est moins puissant / moins prestigieux / moins pensé… » Mais plutôt de dire « c’est de l’artisanat parce que cela en a nombre de caractéristiques qui ne méritent pas d’être abaissées devant les quelques attributs artistiques également nécessaires à la création du jeu ». Une sorte de crie de joie « Oui c’est de l’artisanat » plutôt qu’un triste « bah ce n’est en fait que de l’artisanat ».
Bien pourvu d’une finalité expressive, le jeu est pourtant créé à but utilitaire : le but est d’y jouer et d’aimer le faire, de passer un bon moment, un moment intéressant autour d’une table ou en solo.
Il ne possède pas l’attribut d’unicité mais est conçu pour être reproduit.
Le processus de création d’un jeu répond à des contraintes qui sont d’ordinaire ignorées de la creation artistique.
Pour finir sur le chapitre de reconnaissance institutionnelle : oui on voit parfois des jeux dans les musées mais le jeu de société est davantage présent dans le monde des foires, marchés, ou reconnu comme patrimoine culturel immatériel: autant de caractéristiques associées à l’artisanat plutôt qu’à l’art.
Une autre réflexion m’est venue à l’écoute quand vous parlez de divertissement. Je me demande si l’œuvre d’art ne doit pas aussi contenir un propos, une intention. Sinon ce n’est que du divertissement, non ?
Dans les autres formes d’art (ex : littérature, cinéma ) , je pense qu’on peut trouver des œuvres qui ne sont que du pur divertissement (ex : SAS, Fast & Furious) , d’autres qui sont des œuvres avec un propos plus ou moins prononcé (ex : les Misérables, Jurassic Park)
Dans le même ordre d’idée , tous les jeux de société sont ils des œuvres d’art ? (dans la mesure où ils ne portent pas tous un propos, ni une patte d’auteur …)
Dans Fast ans Furious, il y a clairement un propos qui est assumé et martelé à longueur de films. La communication est totalement centré sur ce propos. Il devient omniprésent et central après l’échec du 3e opus et la main mise de son acteur principal à partir du 4. Il devient même totalement meta en exploitant la mort d’un des personnages principaux du film puis la famille de ce même acteur.
Pas d’accord.
Dans les divertissements, particulièrement ceux que tu cites, il y a message, une vision de la société.
Comme dans un jeu, il y a beaucoup de messages, conscients ou non.
Ok il y a a minima un point de vue sur la société dans toute œuvre. Toutefois , on est d’accord que c’est à des degrés divers et que l’intention dans un propos , des multiples niveaux de lecture n’est pas la même dans toutes les œuvres.
J’aurais du mal à qualifier le dessin de ma grand mère, ou les peintures d’un artisan qui reproduit des trucs pour IKEA d’œuvres d’art…
S’il n’y a ni intention ni propos , et que le récepteur n’en prête ni attention ni analyse , ou est l’art ?
Donc je vous pose la question : « dans un art donné, est-ce que toute œuvre est une œuvre d’art ? »
Voilà une bonne question !
Le jeu de société est un art et est politique.
Il serait intéressant de pousser le truc + loin en lisant les messages politiques (au sens large que vous utilisez) dans différents jeux.
Exemples dont j’ai parlé ici:
1) animaux
– majoritairement enfermés ou à capturer
– « disney-isés », tout beaux tout gentils.
Très peu de #j2s montrent des animaux réalistes.
2) les relations déséquilibrés entre les nations.
L’exemple des oeuvres mayas trouvées au Pérou exposées en Angleterre.
Il y a sûrement beaucoup d’autres sujets.
Le but n’étant pas à mon avis de dénigrer certains jeux mais de verbaliser les messages, conscients ou non, et éventuellement leur évolution.
Martin Wallace serait le Charles Dickens du jeu de société : un œil critique sur l’industrialisation, des récits profondément ancrés dans les réalités sociales, et cette capacité à construire des mondes aussi rugueux que fascinants.
Cathala Bruno serait le Quentin Tarantino du J2S : il pioche dans mille influences, bricole des hommages, et arrive toujours à retomber sur un style personnel, vif, avec des éclats de génie imprévisibles.
Inka Brand (du duo Inka & Markus Brand) serait la Sophie Calle du J2S : une touche personnelle, intimiste, et une capacité à faire vivre des expériences narratives où le joueur devient presque acteur de sa propre histoire.
Vlada Chvátil serait le Charlie Chaplin du J2S : derrière l’humour et l’apparente légèreté de ses jeux, il y a toujours une intelligence de construction incroyable et une réflexion sur les mécanismes d’interaction humaine.
Reiner Knizia serait le Bach du J2S : des structures d’une rigueur mathématique, une élégance absolue, et une influence qui traverse les générations.
yoann levet en lewis caroll (myrmes pour alice, et caroll etait prof de logique)
et vlaadaa chvatil en franck zappa ?, du génie dans (presque) toutes ses sorties du plus « commercial » au plus ampoulé (allez, j’arrête ;))
Sans intention / propos du créateur ; ni attention / émotion particulière du récepteur, n’est-on pas juste en présence d’un objet culturel et non d’un objet d’art ?
@lepionfesseur regarde les travaux de Ludii pour les figures de style et toutes les classifications possibles. Cela permet d’appuyer la taxonomie des jeux sur une ontologie : https://ludii.games/ludemeTree.php
c’est du sérieux, c’est fait par l’université de Maastricht, Department of Advanced Computing Sciences (DACS) et il y a eu plusieurs financements européens associés à ces travaux : http://ludeme.eu/index.html
En découle un outil de programmation de jeux abstraits sur lequel on peut brancher plusieurs moteurs de jeu : https://ludii.games/library.php
Mais c’est limité au jeu abstrait.
Pour un exemple d’ontologie en biologie : https://www.umrh.inrae.fr/ontologies/visualisation/public/
:
Merci pour ce super dossier !
Pour la première partie, en effet, c’est impossible d’être exhaustif sur un tel sujet mais je voulais ajouter quelques ref qui me font plaisir 😉
en peinture : les nombreux joueurs de cartes (coolidge, botero, cezanne)
en chanson : Renaud, « si t’es mon pote » (le scrabble)
au ciné : « face à face » mythique partie d’échec, « le théorème de marguerite » sur le mah-jong !
en série : l’épisode flippant du flipper dans ulysse31 (un peu loin du j2S mais c’est un trauma, il faut que ça sorte), et plus récemment l’excellente mais barrée série « sunny » (apple+) avec du shogi
À bientôt !
et enfin la réjouissante « vox machina », sur prime, qui est l’adaptation de la table de JDR sur You Tube, critical role
Merci pour tout ces exemples qui montrent à nouveau à quel point le jeu de société (et le flipper, pourquoi pas 😀 ) est présent et à inspiré les autres arts 🙂
Je crois comme Elodie et LePionfesseur que le jeux de société fait partie des arts vivants au même titre que le théâtre, l’opéra et la danse. La comparaison la plus intéressante selon moi est certainement avec le théâtre. En effet nous avons un texte fixe, la règle, qui peut connaître des interprétations les règles maison dans le jeu. Il peut connaître différentes mise en scène ce qui correspond aux différentes éditions et même des mises en scène punk que seraient les émulations. Tout comme le théâtre, la pièce n’existe réellement qu’une fois jouée et chaque représentation est unique, ce qui correspond aux parties jouées, elles aussi uniques et pourtant semblables. Bien sûr certaines pièces de théâtre ne sont pas faites pour être jouées trop écrites et avec trop de décors tout comme certains jeux ne sont pas faits pour êtres joués. Mais ces cas limites ne concernent qu’une partie de la production. De même il existe des pièces de théâtre sans textes ou qui se basent sur de l’improvisation, pour l’improvisation on voit très bien ce que c’est dans le jeu, par contre les pièces qui sont juste des mises en scènes comme par exemple ce que fait Roméo Castellucci sont peut-être plus difficiles à cerner pour moi mais je ne m’inquiète pas, ceux qui ont une grande culture ludique trouveront. Encore une fois ce sont des cas extrêmes. L’autre comparaison c’est ce rapport entre le texte et son actualisation. Les lettreux comme les appelaient méchamment mes amis qui étaient en étude de théâtre, croyaient connaître une pièce en analysant son texte. Or le texte n’est qu’un état transitoire de la pièce, la pièce est le moment où elle est jouée. Certes j’en ai une idée en lisant le texte mais je n’entrevois que ses potentialités et qui sont bien souvent limités par mon imagination. Et ce qui est compliquée c’est que chaque fois que la pièce est montée par une troupe, cette nouvelle interprétation demande une nouvelle analyse, un nouveau jugement critique. La pièce est vivante. De plus c’est par commodité qu’on accepte que l’interprétation qu’on a vu une fois correspond à toutes les autres ce qui dans les faits est faux. Une actrice ou un acteur ne donne pas tous les soirs la même chose ni les techniciennes ou techniciens. Cette fugacité est énervante pour l’analyste mais elle est le prix de la beauté de l’aspect unique de la représentation. C’est la même chose pour un jeu de société. Chaque partie est unique et l’approche même du jeu est changeante selon ses interprètes ou plutôt joueurs. La règle donne les mécaniques mais ne dit rien des dynamiques. C’est bien souvent la conclusion des Le Pour Et Le Contre qui au delà de l’analyse très fine que produit la confrontation des points de vue, se terminent souvent avec des adversaires qui finissent d’accord sur ce que propose le jeu mais ne ressentent pas, n’interprètent pas le jeu de la même manière. La différence majeure entre le théâtre et le jeu de société c’est que les acteurs jouent pour eux, le plus souvent sans public extérieur. Il n’y a pas de représentation publique mais une partie privée. Comme si on en restait au stade de la répétition et que ce qu’elle avait apporté aux acteurs était suffisant. Le seul plaisir extérieur serait celui qu’ont les éditrices et les éditeurs et celles et ceux qui ont participé à son élaboration à voir les joueuses et les joueurs s’emparer de leur mise en scène et des autrices et auteurs à la mise en application de leurs règles lors d’événement publiques. Bien sûr je n’oublie pas l’aspect collectif de la mise en scène, il y a les décors, les costumes, la lumière, le son qu’organise la mise en scène qui sont des pôles tout aussi créatifs et dont on retrouve des équivalents dans le jeu de société. Comparaison n’est pas raison et je ne peux rendre complètement compte du jeu de société avec le théâtre. Mais elle est, il me semble une comparaison plus riche pour nos analyses du jeu de société que celles qui tendent vers des arts fixes que sont le cinéma, la littérature, la bande dessinée, la peinture. Dans le cas de ces œuvres il n’y a pas besoin de performance pour que l’œuvre existe. Un film, un livre, une bd ou un tableau sont toujours les mêmes (parfois des versions différentes d’une même oeuvre existent je l’accorde aux plus pointilleux d’entre vous mais cela reste marginal dans la réception). Cette comparaison explique aussi dans un sens bien des discours sur les joueurs et à quel point ils font le jeu de société. Mais c’est un autre chantier de réflexion.
Je souscris globalement à tout ce que t’as dis ici mais je voudrais souligner une erreur à mon sens dans ton analogie avec le théâtre : les acteurs du théâtre ce ne sont pas les joueurs du jeu de société.
Il faudrait plutôt filer la métaphore ainsi :
– Les acteurs du théâtre c’est le matériel dans le jeu de société (ils sont mis en scène pour exécuter l’oeuvre)
– Le public au théâtre c’est les joueurs de jeu de société (c’est les spectateurs de l’oeuvre, ceux qui se la prennent dans la tronche)
– Les metteurs en scène au théâtre c’est les joueurs de jeu de société aussi (c’est eux qui décident comme va s’exécuter l’oeuvre, c’est d’ailleurs une grosse différence avec les jeux vidéo, bien que dans ces derniers on sait bien qu’il existe toute la communauté du modding qui permet de changer cette donne)
Du coup les joueurs ont cette double casquette dans les jeux de société de devoir décider de l’exécution et en même temps d’être le public.
Cependant ça se fait rarement en même temps : on décide généralement à l’avance comment on va jouer (quelles variantes on utilise, quels extensions, quelle mise en exécution particulière …) et ensuite dans un second temps on joue, avec quelques interruption pour annuler un coup ou arbitrer la manière dont on va corriger une erreur de règle.
Le jeu de rôle est déjà plus intéressant et plus clair dans cette analyse puisque le MJ a la responsabilité de la mise en scène alors que les joueurs sont clairement purement spectateur et n’arbitrent rien (oui je sais, ya plein de JdR plus modernes qui changent cette donne, je prends le cas simple).
En fait faut juste faire gaffe à pas confondre le fait d’être acteur au théâtre et acteur dans un jeu de société, les premiers sont des sortes d’exécutants qui transmettent une oeuvre au public, les seconds manipulent l’oeuvre afin d’en être spectateur.
Mais peut-être que tu avais en tête le fait que les joueurs prennent des décisions au cours d’un jeu ? Franchement là je pense que la métaphore marche plus du tout, c’est vraiment trop spécifique au jeu d’avoir les spectateurs qui agissent sur l’oeuvre et je pense pas qu’on puisse trouver d’analogie pertinente sur ce point.
Et sinon moi je pense que la musique est aussi un art proche des jeux de société, dans ma tête c’est souvent avec le théâtre les deux arts les plus proches pour moi. Et particulièrement parce qu’on y dégage souvent une « sensation pure » et non pas une transposition dans un univers. Du moins jeu et musique sont vraiment les deux arts où « sensation » et « transposition » semblent être représentés à égale mesure. Bruno Faidutti disait que les jeux de société était à mi-chemin entre les mathématiques et la littérature. C’est une autre manière de le dire.
Je n’ai pas encore écouté l’intégralité du dossier, néanmoins j’aimerai réagir sur deux chroniques dès maintenant.
A propos de celle de Bartouf que j’ai trouvé très enrichissante. Ce qui m’a interpellé est plutôt son intervention un peu plus tardif quant à fait que ça chronique était là pour démontrer que le jeu est un art.
Or je ne comprends pas le lien. Est-ce que le fait simplement que le jeu soit présenté/intégré dans d’autres arts qui justifie que ce soit un art ? Alors que devons nous faire de la nourriture/cuisine ou tout autre élément suivant les mêmes caractéristiques ?
Autant je comprends que cette chronique démontre l’importance du jeu dans nos sociétés mais je ne comprends pas comment elle démontre que le jeu est un art.
Si l’un d’entre vous peut m’éclairer je suis preneur.
L’autre chronique est celle de Cyrus qui explique la patte de l’auteur comme argument à l’art. Il me semble que cet argument est mal utilisé. Car chaque femme ou homme a sa propre perception du monde et de ce qu’il lui est important en fonction de son vécu et ce qui l’entoure. C’est à dire qu’à partir du moment où quelqu’un fait quelque chose il y a inévitablement son vécu, ses perceptions, ses goûts, ses intérêts qui entre en jeux (c’est ce que l’on peut appeler la patte de l’auteur). Néanmoins cela ne s’applique pas uniquement à la création, chaque personne fera un jardin différent chez lui, chacun cuisinera un plat différemment (en salant plus ou moins, ajoutant ou non une épices, remplaçant un légume par un autre) et cette patte de l’auteur n’est donc pas spécifique à l’art ou la création, c’est juste du au fait que nous sommes différents avec des perceptions/des névroses différentes.
Pour revenir à l’idée du jardin, il existe des jardins dont il est possible de connaitre celui qui l’a aménagé juste en le regardant (pour les paysagiste connus). Il en va de même pour la cuisine. Pour pousser plus loin si l’on connait bien un maçon ou un câbleur il est aussi possible de distinguer son travail.
En fait chaque acte qui ne passe pas par une interface de standardisation (comme l’informatisation, des procédures de sécurité…) est soumis à ce que l’auteur de l’acte en fait. Et si cet acte est répété il y a toute les chances pour que l’on y trouve « une patte » sans pour autant parler d’art.
Je reviendrai vers vous à la fin de mon écoute si j’ai d’autre chose à ajouter.
La première chronique c’était pas moi, c’était Kurts.
Pardon, j’ai fait un amalgame malvenu.
On parle de moi ?
Bon trêve de plaisanterie.
Merci de ton retour et d’avoir trouvé ma partie enrichissante.
Son but n’était pas de démontrer que le jds est un art, juste de montrer à quelle point il est important au point d’être une source d’inspiration pour les arts déjà en place.
Ensuite, et là je parle à titre personnel, j’estime que le jds est un art, et c’est sans doute pour ça que je dis à un moment que les arts inspirent les arts, comme le démontre ma chronique 😉
Merci pour ton retour éclairant !
La question pour que ça soit un indice de l’art c’est surtout : est-ce que cette patte d’auteur on en a quelque chose à faire ?
Quand j’utilise mon robinet, j’espère surtout qu’il me fasse couler de l’eau comme j’en ai envie, je me fiche bien du style du plombier qui l’a fabriqué / réparé. C’est avant tout fonctionnel.
Quand je regarde un film, l’essentiel pour moi c’est de ressentir ce que l’artiste a mis dans cette oeuvre, donc là je regarde à fond son style. C’est avant tout esthétique.
Bon note bien que ça c’est l’approche qui suit la politique des auteurs, c’est une approche critique et il y en a d’autres.
(d’ailleurs pour le paysagiste, on est un peu dans un rapport esthétique, d’ailleurs quand je regarde la définition de « l’architecture de paysage » c’est « l’art de la conception de paysage »)
Elodi, pour les arts dans le jeu de société :
Photographie : Redwood et Aya
Cinéma : show manager
TV : Thunderbirds
Poésie (Théâtre) : Black sonata
Littérature : De vulgarisation Eloquentia
Architecture : opération archéo, Drunter & Druber (ça c’est de l’urbanisme !), château de fable, Bruxelles (les 3 jeux), Keops, Tal der Könige, Agora Barcelona, Medina, Carcassonne la cité, Keythedral, Turquoise, Cosmopoly etvMegapoly
BD : Corto
Musique : katzenjammer blues
Sculpture : monstro folies
Peinture : kanagawa, codex naturalis (enluminures)
Regarde aussi Via Vitae… Je ne sais pas où le classer
Ce dossier est beaucoup trop long, pour l’écouter à coup de petit trajet de voiture !
Je suis dans la chronique du pionfesseur, qui insiste sur l’intention d’une/d’un artiste à créer pour faire ressentir une émotion. Je regrette de devoir me porter en faux encore une fois. Il existe de nombreux témoignages d’auteurs/autrices de livre qui expliquent que leurs livres s’écrivent indépendamment d’eux. C’est à dire qu’ils sont le réceptacle et l’outil de transmission de leur histoire mais que cette dernière n’est pas pensée et réfléchie avant d’écrire.
J’entendais il y a peu à la radio une autrice connue qui racontait avoir commencé un roman avec une idée en tête. Malgré cela au fil de l’écriture l’idée initiale a été remplacé par ce que l’histoire avait à raconter comme si l’histoire avait sa vie propre.
Ces témoignages sont courant dans la littérature et je pense que l’on peut en trouver des similaires dans la musique ou la peinture.
Cela ne signifie pas que tous les artistes ont ce fonctionnement. Pour certains artistes, il y a quelque chose en eux qui demande à sortir sans que ce soit conscientisé. Cela montre que pour certains artistes la recherche et la transmission d’une émotion en particulier n’est pas le but.
Voilà j’ai retrouvé le nom de l’autrice : Christine Angot dans une interview du 25 mars 2025.
Encore de retour, à propos de la chronique du pionfesseur. J’aime bien l’idée des figures de style et du coup je me questionne sur la qualification des figures de styles. En littérature une figure de style est utilisée pour faire passer un message, par exemple répéter plusieurs fois la même chose pour transmettre l’idée de monotonie/de répétition/d’usure du quotidien… Ainsi la figure de style en littérature complète le texte par un effet littéraire qu’une phrase standart ne peu pas transmettre.
Dans le jeu de société s’il est possible de définir des figures de style, que permettent elles ? Ou dans l’autre sens par exemple : qu’est ce qui dans un jeu peut donner une sensation d’envahissement/de débordement ? Et est-ce que l’effet utilisé dans ce jeu est réutilisable dans d’autres jeux pour un effet similaire ? Finalement dans le jeu de société qui est assemblage de beaucoup de chose (dessin, écriture, matériel, règle…) est-ce que simplement l’un des éléments constitutifs du jeu (le design graphique par exemple) ne jouerait pas le rôle de figure de style, ou bien est-ce que les « figures de style » sont simplement inutiles par la diversité des supports possibles du jeu (il n’est donc pas nécessaire d’ajouter un effet particulier car la conception du jeu compense l’absence de figure de style) ?
Je n’ai aucune réponse, seulement un questionnement qui ressort des propos du pionfesseur.
Côté architecture j’ai oublié Nouvele France 9
Très bon dossier foisonnant, mon plus grand regret c’est qu’il faut du temps pour l’écouter et que j’arrive très tard dans les échanges 🙂
Non plus sérieusement, je pense que toutes vos chroniques allaient dans le même sens et qu’il aurait été bienvenu d’avoir un peu de contradiction. On le voit au volume de commentaires ici et d’interventions sur Discord, il y avait matière à débattre un peu plus. Je ne parle pas de remettre en cause frontalement l’aspect artistique du jeu (sans surprise, tous vos auditeurs et auditrices y souscrivent d’une façon ou d’une autre), mais au moins de cerner les limites de l’exercice, de discuter ce qui ne rentre pas bien dans les cases, etc.
Plus spécifiquement sur la chronique à propos des figures de style (j’adore les taxonomies aussi 🙂 ) j’ai été étonné que vous ne parliez pas du tout des jeux Legacy, qui par nature cherchent à provoquer des sensations inédites en remplaçant, inversant, accumulant du matériel, des règles et donc des dynamiques au fur et à mesure des parties. (Si déchirer une carte sous prétexte qu’elle a été associée à un événement négatif ce n’est pas une hyperbole je ne sais pas ce que c’est.)
Et à mon sens ils répondent également à une question posée en fin de chronique : à force d’user de certains tropes, les Legacy ont fait rentrer dans les codes usuels du jeu des choses qui au départ étaient en décalage avec les attentes des joueurs et des joueuses, comme par exemple personnaliser son matériel ou ne pas avoir accès à tout dès la première partie.
Je trouve ton retour sur la contradiction et les limites très pertinent. Pour moi, c’est le principal défaut chez proxijeux lors des dossiers. Les interventions bien que recherchées et étayées peuvent manquer finalement de pertinence parce qu’il reste un sentiment de oui mais …
Super émission, vraiment, un régal à écouter, comme souvent. Il manque juste un petit peu de Popcorn, et je dis pas ça parce que je connais l’auteur haha !
Je n’ai écouté que la chronique de Kurts pour le moment. Pour la musique classique et les jeux, peut-être que c’est la Symphonie des Jouets que vous cherchiez ? De Mozart père (papa de Wolfgang). Toujours jouée aujourd’hui, avec des bruits émis par des jouets dedans (jouets de l’époque, pas ouf donc).
Dans la musique contemporaine, il y a sans doute foison d’exemples mais par principe, peu traverseront les âges. Je viens de tomber sur « Jeux de société : les cartes », composée par Anne Castex, pour accordéon et percussions. Ce titre suggère-t-il qu’il y en aura d’autres dans la série, genre « Jeux de société : les kubenbois »?
Au fait j’ai failli oublié, le Pionfesseur fait référence à une BD où ils jouent à Root, il s’agit de la BD Cendre et Hazel de Thom Pico et Karensac qui est prépubliée dans le magasine Manon et édité sous forme relié chez BDkids. Dans Le grand bain des Capybaras (qui se trouve dans le tome 4) deux personnages s’affrontent à coup de jeu de société car il est interdit de faire des duels de magie dans les thermes à la japonaise où elles se trouvent. Duels succéssifs : toupies, croquet, jeu de l’oie, pétanque, JCC, billes et pour finir Root. Sauf que le jeu est titré Racine et qu’elles ont du mal avec les règles (de manière ironique il est écrit que les règles consultées sont le volume 6). Ce qui est amusant c’est que le jeu type Magic ne semble pas poser de difficultés. Le visuel est sur le Discord.
Sympa le petit quiz Cyrus. En musique, beaucoup de compositeurs ont clairement leur patte. Avec un peu d’entrainement, il est parfaitement possible de trouver le nom du compositeur d’une musique pourtant jamais entendue. Parfois c’est simplement un enchaînement de quelques notes qui vaut subtile signature. La plus évidente que je connaisse est celle de James Horner (mi/fa/fa#/fa et ses transpositions). Un musicologue lui a même donné un nom : le motif du danger. On le retrouve au moins une fois dans quasi tous ses albums (musiques de films). Sans doute repris de Wagner puis Rachmaninov. A interpréter comme une transfiguration de leur art ?
Merci beaucoup pour cette émission encore très riche et éclairante !
En écoutant votre dossier sur le sport et le SLGJ sur le Molky j’avais eu envie de proposer une définition du sport comme un croisement entre différents arts. L’excellente chronique d’Élodie me motive à développer cette idée.
Au début, comme Élodie, je pars de l’idée que les arts se définissent et se distinguent par les parties du monde qu’ils esthétisent. Le jeu c’est l’art de l’action, l’activité qui esthétise le fait d’agir. Ça le distingue des autres arts et le rapproche du design, art de la fonction. C’est pourquoi je préfère parler de designer de jeu plutôt que d’auteur de jeu. Aussi, tous les arts ont des équivalents techniques, des activités qui s’intéressent aux même parties du monde mais qui valorisent autre chose que l’esthétique. Ce qui est important c’est la relation que le sujet développe avec le monde : esthétique ou technique, etc. Par exemple, la valeur qui intéresse les serious gameur n’est pas l’esthétique de l’action mais sa capacité pédagogique.
Caractériser ainsi les arts me permet de mieux définir le sport, ce que vous aviez bien fait dans votre dossier mais vous n’étiez pas allé assez loin il me semble. Vous aviez gardé la notion d’effort physique pour caractériser le sport alors que je trouve que ce n’est pas du tout pertinent, on rentre alors dans des argumentations ridicules où on essaye de mesurer l’effort physique. D’un point de vue matérialistes, le corps et l’esprit sont considérés comme indissociables, toute activité est le fruit d’un « effort physique », toute activité engage le corps et l’esprit.
Je propose de considérer le sport comme un art à la croisée de deux arts dans un contexte social particulier : croisement entre le jeu (art de l’action) et les arts du geste (danse, théâtre, jonglerie, mime, gymnastique etc.) dont la pratique est dominé par la compétition. Ainsi les jeux d’adresse, qui esthétisent l’action et le geste, peuvent être des sports à condition que leur pratique soit dominé par la compétition. Le Mölky est à la frontière parce que la compétition y existe mais n’est pas dominante, mais le jeu d’échecs ne peut pas être considéré comme un sport car il n’esthétise pas le geste. Par contre les jeux vidéo de compétition ou sports électroniques sont bien des sports car ce sont des jeux dont la pratique est dominé par la compétition et parce que ce sont aussi des arts du geste : la dextérité est toujours en jeu dans les jeux-vidéo d’e-sport.
Pour revenir sur les caractéristiques de l’art, je ne pense pas que la notion d’auteur soit indispensable pour définir ce qui est artistique ou pas. Ce qui me semble indispensable c’est l’esthète, une part du monde qui développe une relation esthétique avec une autre part du monde. L’œuvre artistique est une partie du monde qui est saisie par la relation esthétique nouée entre l’esthète et le monde. Je suis donc en désaccord avec Le Pionfesseur pour qui « L’art c’est toujours un dialogue entre un auteur et son public ». Je suis aussi en désaccord avec Kurts quand il dit qu’il n’y a pas d’œuvre d’art sans objet issu de l’intervention humaine et qu’un paysage ne peut pas être considéré comme de l’art. D’une part ça isole et distingue trop l’humain du monde, alors qu’il n’en est qu’une partie. D’autre part, la dichotomie auteur-lecteur ou auteur-spectateur est très spécifique et particulièrement développé par une vision bourgeoise de l’art. Propriétaires des moyens de productions, les bourgeois revendiquent la pleine maîtrise du sens de la production (artistique ou pas), ils revendiquent le rôle d’artiste (celui qui donnerait sens à l’œuvre) ils sacralisent l’œuvre/marchandise. Inversement, ils dénigrent l’activité du consommateur/spectateur : le spectateur ne serait pas acteur dans la relation artistique, il ne produit rien, il ne ferait que se divertir, se détourner de sa fonction principale assignée par les bourgeois : travailleur. Cette dichotomie est un contexte social : le spectacle.
Au contraire, je suis tout à fait d’accord avec Élodie, la puissance de l’esthète peut expliquer qu’une œuvre puisse se passer d’auteur ou échapper à son auteur. Dans la relation esthétique entre le monde-œuvre et l’esthète, l’auteur comme l’éditeur n’est plus acteur. L’œuvre, comme toute partie du monde, a sa puissance autonome et peut avoir librement des relations inattendues et fertiles avec d’autres parties du monde sans avoir à se référer à celui qui se revendique créateur. Le point de vue autoritaire, qui cherche à imposé l’intention de l’auteur, peut être pertinent d’un point de vue de l’histoire de l’art, de la sociologie de l’art ou d’une pratique esthétique très spécifique, mais une parmi d’autres.
Comme le Pionfesseur, je trouve pertinent d’invoquer l’Internationale Situationniste et sa critique de la société du spectacle pour souligner la dimension politique intrinsèque du jeu. La société du spectacle c’est cette société capitaliste qui tend à rendre les personnes spectatrices de leurs vies. Marx et ses camarades anarchistes voient le capitalisme comme un rapport social issu des mondes de propriétaires mais qui en approfondi l’emprise, il dépossède les personnes des outils de production et s’immisçe dans le processus productif et in-fine dans l’intimité des personnes (redéfinies comme travailleuses) pour diriger leur vies afin de servir des intérêts qui leurs sont extérieurs et antagonistes : l’augmentation des profits, de l’emprise et de la concentration du capital. Les travailleurs consomment des choses qu’ils ne produisent pas, produisent des choses qu’ils ne consomment pas et ne décident même pas ce qu’ils produisent ni comment ils vont le produire. Même le choix de ce qu’ils consomment est soumis aux intérêts du capital. Les personnes sont spectatrices de leurs vies. Pour l’art, l’aliénation, le fait qu’une chose qui nous est propre devienne extérieur et nous domine, porterait sur la capacité esthétique des personnes.
La danse illustre bien la possibilité d’un art à exister ou non dans le cadre du spectacle : danse de spectacle contre danse de bal (populaire ou pas), de boom, de boîte de nuit etc. qui sont des arts réalisés entre esthètes sans auteur ni spectacle. Le jeu de rôle peut être vu comme un variant du théâtre qui se débarrasse du spectacle et de la dichotomie acteurs/spectateurs. À minima l’auteur y a une autre place. L’origami aussi laisse peu de place au spectacle et à l’auteur, croisement entre art du geste et art du volume (sculpture), il se réalise dans l’acte même de faire et de refaire, l’esthète est appelé plieur. Les contextes sociaux permettent aussi de comprendre la différence entre un film (de cinéma) et un téléfilm ou entre un album et une symphonie etc. Ils esthétisent bien la même chose mais dans des relations sociales différentes, ils produisent donc des œuvres distinctes.
Le jeu de société peut échapper au spectacle en mettant les personnes dans une posture active de sublimation de l’action. Mais le capitalisme en s’emparant du jeu de société cherche à le transformer en marchandise. Il le fait notamment en renforçant la dichotomie auteur/joueur quand il essaye de réduire la reproductibilité (ou l’émulation) des jeux, l’appropriation par les joueurs : monopoles d’exploitation (droits dit d’auteur, principalement aux mains des éditeurs), matériel spécifique et difficilement reproductible sans la maîtrise des outils de production (industrie), dénigrement des variantes (inversement : glorification des règles officielles) etc. Le jeu est alors un objet extérieur qui s’impose aux joueurs, une marchandise. Le jeu de société moderne serait-il un genre de jeu de société forgé par le contexte social capitaliste ? Le jeu dit « de société » et « moderne », ne pourrait-on pas le caractériser par deux contextes sociaux particuliers : ces jeux sont « de société » car leur pratique est dominée par la présence de la table de jeu et de la scène amicale ou familiale (ils échappent au spectacle et à la compétition) et « modernes » car leur existence est dominée par la boîte de jeu (matériel spécifique et règles incluses) ainsi que la mise en avant du dispositif éditorial (auteur, éditeur, illustrateur etc.) et la revendication d’un monopole d’exploitation ?
Je trouve aussi intéressant de parler du jeu Loup Garou comme un jeu de société non-moderne (développé par la multitude, un auteur diffus, et très peu lié à un matériel spécifique) mais contemporain des jeux de société moderne et issue de la communauté des joueuses et joueurs de jeux modernes :
– En 1986 à Moscou, Dimitry Davidoff conçoit Mafia dans un cadre pédagogique. Le jeu est massivement repris par les étudiants de son université.Puis le jeu connait une première diffusion commerciale (copyright revendiqué dès 1987 puis en 1992 et 1998 https://web.archive.org/web/19990302082118/http://members.theglobe.com/mafia_rules/)
– Pendant 10 ans, de par sa simplicité, le jeu est largement malaxé par les joueuses et joueurs.
– À partir de 1996 le jeu est organisé et formalisé notamment sur internet par Maffia SIG, association fondé à Londres par des hongrois en lien avec l’organisation élitiste Mensa https://web.archive.org/web/19990222110131/http://www.cab.u-szeged.hu/local/mensa/SIG/mafia/mafia.html
– 1997 Re-thématisé en Werewolf par Andrew Plotkin lors de conventions de joueurs https://web.archive.org/web/19991006030347/https://www.eblong.com/zarf/werewolf.html
– En 1998 de nombreux site web sont déjà consacrés au jeu https://web.archive.org/web/19991006030347/http://www.eblong.com/zarf/werewolf.html
– En particulier, le jeu est approfondi et enrichi d’une multitude de rôles par les étudiants de Princeton réunis dans The Graduate Mafia Brotherhood of Princeton University https://web.archive.org/web/19990128231355/http://www.princeton.edu/%7Emafia/
– Enrichi d’une application web dès 2000, consolidée en 2002 par Mafia Scum https://web.archive.org/web/20020718165444/http://www.mafiascum.net/about.html après une longue fermentation sur les forums https://wiki.mafiascum.net/index.php?title=History_of_the_game
– Mars 2000 première apparition (archivée) sur Board Game Geek où il sera joué massivement en ligne pendant plus de 10 ans https://web.archive.org/web/20030606042253/http://67.105.64.226/viewitem.php3?gameid=925&sessioncount=0#SESSIONS
– Début 2001 (mars ?) Bruno Faidutti présente le jeu sur son site web sous le nom Werewolf, il dit l’avoir découvert sur Internet et parle d’une douzaine de sites web consacrés aux jeu dont il donne l’adresse. Il ne mentionne pas d’auteur mais annonce une édition commerciale à venir, réalisée par Philippe des Pallières https://web.archive.org/web/20010306204616/http://faidutti.free.fr/jeux/articles/werewolf/werewolf.html
– Avril 2001 Faidutti modifie son billet : il ne mentionne plus les 12 sites web dédiés au jeu et fait la promotion de l’édition de Philippe des Pallières et Hervé Marly https://web.archive.org/web/20010417012720/http://faidutti.free.fr:80/jeux/articles/werewolf/werewolf.html
– Automne 2001 publication des Loups Garou de Thiercelieux https://web.archive.org/web/20010521002125/http://lesloupsgarous.free.fr/
– Automne 2001 publication de Beest, variante de Werewolf rethématisé dans l’univers de The Thing de Carpenter évoqué sur BGG https://boardgamegeek.com/thread/649/preview et par Bruno Faidutti à son retour d’Essen 2001 https://web.archive.org/web/20020205120111/http://faidutti.free.fr/jeux/articles/essen/essen01.html
– Décembre 2001 publication par Looney Labs de Are You Werewolf? offert comme cadeau de Noël à leurs fans https://www.looneylabs.com/holiday-gifts
– Novembre 2002 publication par Davinci Games de Lupus In Tabula https://web.archive.org/web/20021015082956/http://www.davincigames.com/page_eng.cfm?menu=01_02
– 2007 première édition par Bezier Games de Ultimate Werewolf qui compile énormément de rôles et de variantes. Aujourd’hui encore c’est la référence aux États-Unis.
On le voit, comme le Monopoly, Le jeu Loups Garous a été largement détournée de son contexte d’émergence : certain ont essayé de mettre la main dessus, de se nommer auteur et aujourd’hui il n’existe principalement que par ses éditions marchandes qui réussissent à imposer avec plus ou moins de succès leurs monopoles commerciaux. C’est devenu un jeu de société moderne.
Je précise juste que de mon côté je suis absoluement contre la sacralisation des auteurs.
C’est juste que l’émotion esthétique est différente quand elle est face à la nature que quand elle est face à quelque chose qui a été forgé par l’humain. Mais j’en ai rien à fiche de l’humain en question, ce qui me fascine c’est surtout ce qu’il a à me dire (oui je sépare l’oeuvre de l’artiste comme qui dirait. Avec tout de même le fait que j’aime bien la politique des auteurs et observer l’ensemble des oeuvres d’un même auteur pour y déduire une sorte de grande oeuvre totale).
C’est pour ça que le terme « art » ce limite à l’humain pour moi. Si tu veux utiliser un autre terme, je m’en fiche, mais je pense que c’est beaucoup plus clair de s’exprimer comme ça (à peu près personne pense que la nature est capable de produire de l’art).
D’ailleurs je suis contre le droit d’auteur qui est une propriété lucrative privée 😉
« Un auteur n’a aucun droit, il n’a que des devoirs »
Désolé si mon commentaire laisse penser que je t’accuse de sacraliser l’auteur. Comme beaucoup d’auditeurs de proxi-jeu, je connais ta passion pour l’émulation des jeux, pour les variantes et ta critique de la sur-édition. De la même manière je sais bien que tu n’es pas un grand soutien de la propriété lucrative (litote ?). Et j’apprécie énormément tout le travail d’analyse et de mise en contexte des jeux, notamment par la présentation des auteurs mais aussi des variantes, des nanars etc, que tu fais avec l’équipe de Proxi Jeux.
Sinon, le cœur de mon commentaire n’est pas d’affirmer que la nature « produit de l’art » (étrange formulation) ou a une pratique artistique. Même si ça me semble assez établi que l’humain fait partie de la nature et que d’autres espèces ont des relations esthétiques avec le monde. D’autant plus que, si tu considère le jeu comme un art, alors pour le coût il y a encore plus d’espèces chez qui on a observé et documenté une pratique artistique.
Mon commentaire vise à souligner que la dichotomie auteur/public n’est pas nécessaire pour dire si une pratique est de l’art ou pas mais que l’esthète-joueur est bien la figure centrale et indispensable pour qualifier une pratique d’artistique. De nombreux joueurs ne sont pas auteurs, tous les auteurs sont joueurs.
Le spectacle (la dichotomie auteur/public) n’est qu’une une relation artistique plus complexe où (A) un esthète développe une relation esthétique avec une partie du monde et génère alors un objet ou une situation à destination d’un autre esthète et (B) un autre esthète saisie cette partie du monde esthétisée pour performer une nouvelle relation esthétique. Dans nos société la séquence (B) est souvent niée, où en tout cas son action esthétisante est niée ou dévalorisée. D’ailleurs je trouve que, dans l’émission, on sent que vous avez du mal à accepter la proposition d’Élodie quand elle dit que « tu interagies avec le film que tu vois », non elle ne joue pas sur la polysémie du mot interagir.
Ce que je veux dire c’est que si on est certain que les jeux (de société) sont un art c’est bien parce qu’il y a des joueuses et joueurs. Des personnes qui éprouvent un plaisir esthétique (satisfaction émotionnelle, intellectuelle, sensorielle et relationnelle) à jouer. Des joueuses et joueurs dont la pratique est motivé, de manière dominante, par le plaisir de jouer. Pour le justifier, pas besoin d’autre chose, pas besoin d’auteur, pas besoin d’œuvre (objet fait à destination d’un public) ni de spectacle (situation faite à destination d’un public) . Juste une relation esthétique avec le monde-œuvre (part du monde engagée dans la relation esthétique).
Ça permet de mettre l’accent sur les pratiques de jeu, les communautés de joueuses et joueurs etc. Par exemple cette communauté qui a émergée dans les années 80 et 90 dans les universités, les conventions, les associations, les clubs et sur Internet mais aussi dans les familles ou entre amis autour d’une table, parfois dans un camping ou un centre de loisirs. Puis, plus récemment, s’est retrouvée dans les festivals et les bars à jeux.
De manière plus conflictuelle, ça peut être l’occasion de se demander qui sont ces joueurs, en particulier ceux qui se sentent neutres ? Quels sont leurs intérêts, leurs positions sociales et leurs valeurs ? Pourquoi certains joueurs éprouvent du plaisir à esthétiser le colonialisme et l’esclavagisme en embrassant la propagande coloniale et esclavagiste ? Pourquoi éprouvent-ils de la satisfaction à balancer des bombes atomiques, à s’enrichir sur le dos d’esclaves ou à faire arriver les trains à l’heure quelque soit ce qu’ils transportent ? Quels intérêts défendent ces vieux joueurs-auteurs blancs bourgeois et installés quand ils s’acharnent à dire que le jeu ne fait pas parti du réel, n’a pas de discours sur le réel, pas d’impacte sur le réel, n’est pas politique, n’est pas un art (ou alors un art mais sans profondeur ni subtilité, un art plus pauvre que d’autres tel la littérature) et qu’il ne doit servir que le divertissement et le plaisir de gagner https://faidutti.com/blog/blog/2025/03/18/ma-reponse-au-manifeste-metaludique/ Quels jeux ces joueurs font-ils émerger ? Quel est leur patte de joueur ?
Quels changements de la société des joueuses et joueurs et des relations de pouvoir qui la structure reflète le développement des jeux coopératifs, des thèmes florales, des thèmes écologistes ? N’est-ce pas le pouvoir esthétique des joueuses et joueurs qui pousse les auteurs à changer leurs pratiques ou à quitter la scène ludique ?
Je viens d’écouter ton excellente chronique sur le lien entre jeu et internationale situationniste, je ne l’avais pas fait avant d’écrire les deux commentaires précédents. https://www.youtube.com/live/sKZNctpWglE?si=JtT27zcvxbNupDi-&t=6390
J’ai d’autant plus de mal à saisir pourquoi, alors que tu définis l’art principalement comme une démarche visant à ressentir des émotions et qu’en plus tu mobilises les analyses de l’internationale situationniste qui promeuvent la Dérive (aka la balade pour ressentir les ambiances et émotions de lieux) et l’abolition du spectacle (dont la dichotomie auteur/spectateur), tu rejettes l’idée qu’une balade en ville ou dans la « nature » pour admirer des espaces ou ressentir des émotions serait de l’art. De manière moins politique les personnes qui pratiquent les balades en natures, les randonnées ou même l’urbex revendiquent de le faire pour ressentir des émotions, ils revendiquent le fait de le faire pour le plaisir de le faire – en ce sens c’est de l’art.
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9rive_(philosophie)
On peut souligner aussi que les personnes qui revendiquent le jeu comme « pur divertissement » et qui disent qu’elles les pratiquent uniquement pour le plaisir de jouer, donc uniquement pour un plaisir issue de l’esthétisation de l’action, elles sont précisément dans le cœur de la définition de l’art.
Il me semble que ce qu’ils revendiquent en fait, quand ils qualifient l’activité de divertissement plutôt que d’art, c’est la non remise en cause de leur pratique.
Les auteurs disent je veux que mon jeu soit bon, peut importe ses qualités politiques, pédagogiques etc car ils ne veulent pas qu’on questionne leur travail d’auteur ni le public à qui ils s’adressent ni leur positionnement et leur sensibilité politiques et sociale qui apparaît dans leur œuvre. Souvent ces auteurs ne précisent pas ce qu’est un bon jeu, mais pire ils nient des éléments fondamentaux de ce qui fait un bon jeu. Ils cherchent une définition absolue et décontextualisée d’un bon jeu et dénigrent donc tout ce qui vient expliquer la qualité d’un jeu par sa contextualisation, en particulier par la relation particulière entre l’auteur et un public spécifique.
Les joueurs, eux, refuse qu’on leur dise « mais à quoi tu joues ? ». Ils refusent qu’ont se questionne sur leurs valeurs, leurs intérêts et leurs positions sociales qui les amènent à prendre du plaisir à joueur à un jeu ou à éprouver des émotions, se sentir en empathie
L’argument du divertissement est d’autant plus risible que, par exemple, aller voir des films comme « Mais qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu » ou « Transformer » ne me divertie absolument pas. Pourtant des moyens y sont mis, des talents y participent et ces films se revendiquent légers. Mais l’immondice politique qui en transpire me rend particulièrement pénible leur visionnage.
J’ai beaucoup aimé tes commentaires précédents, je les trouve très construits et argumentés. Néanmoins, une chose me dérange, tu sembles décorréler le divertissement et le propos/contenu du jeu pour certains joueurs. Or, je pense que c’est une erreur.
En effet des joueurs s’amusent avec des jeux que l’on dira de « mauvais goût », l’explication est souvent simplement qu’ils n’ont pas réfléchi/prit conscience/ne veulent pas voir, ce que transmet l’objet de leur amusement. Ou plus pervers, cet objet peut être là base de leur construction sociale. Dans le premier cas une prise de conscience suffit souvent à ne plus trouver le jeu divertissant. Dans le second cas, les choses sont plus délicates puisqu’elles remettent en cause notre construction sociale.
Tout ça pour dire, que l’argument « ce n’est qu’un divertissement » cache des réalités différentes qu’il est important de ne pas réduire trop vite. Et je pense qu’il en va de même pour le cinéma et les films à large audience.
Si je me souviens bien, vous évoquez les jeux « à twist » (qu’on ne devrait plus appeler comme ça ?).
Je viens de tomber sur une vidéo de Stonemaier qui parle de ce sujet : https://youtu.be/UXAiQ0gwNjU?si=aqNi4oGNxOvX3HB0 « 30 Tabletop Games that Break the Rules »
C’est simplement pour moi qu’en définissant correctement, on donne accès à de meilleurs outils de critique. L’art n’est pas critiqué de la même façon que l’artisanat et ne qualifier le jeu qu’en art c’est faire un choix… Qui donc exclut une partie des outils.
Le jeu de société est un objet hybride. Il relève bien de l’art, dans la mesure où il propose une expérience esthétique, narrative ou symbolique, mais il s’enracine tout autant dans des pratiques de fabrication, d’itération, d’équilibrage, qui relèvent clairement du savoir-faire. Le designer de jeu, comme l’artisan, expérimente, ajuste, teste, manipule la matière et le système. Il y a là, pour reprendre les termes de Richard Sennett dans Ce que sait la main, une véritable “intelligence du faire”, qui engage la main autant que l’esprit, et qui mérite d’être prise au sérieux par la critique.
Glenn Adamson, dans Thinking Through Craft, rappelle combien les pratiques artisanales ont été reléguées au second plan dans l’histoire de la pensée esthétique occidentale, précisément parce qu’elles reposent sur le geste, sur l’expérience, sur une forme d’engagement physique dans la création. Or, le jeu de société s’inscrit pleinement dans cette culture du faire : la qualité d’une mécanique, l’équilibre d’une interaction, la lisibilité d’un plateau ou la texture d’un pion ne sont pas des détails fonctionnels, mais des éléments constitutifs de l’expérience ludique — et donc, de sa valeur.
En ne tenant compte que de l’intention d’auteur ou de la dimension symbolique d’un jeu, la critique se coupe de cette réalité sensible et technique. Elle reconduit alors une hiérarchie implicite entre l’idée et l’exécution, entre le concept et le matériau, qui est historiquement construite. Howard Becker, dans Les mondes de l’art, a pourtant bien montré que toute œuvre est le produit d’un réseau d’acteurs, de contraintes, d’ajustements collectifs. Le jeu, plus encore que d’autres formes culturelles, est traversé de part en part par ce tissu de coopérations : auteurs, éditeurs, illustrateurs, testeurs, fabricants. L’objet final est une œuvre collective, située, fabriquée — pas une pure projection intellectuelle.
Cette matérialité du jeu ne l’empêche pas d’être porteur de sens, bien au contraire. Mais elle oblige à complexifier les outils critiques. Jesper Juul, dans Half-Real, insiste sur le fait que le jeu est toujours à la fois structure rigide (règles, systèmes) et fiction malléable (univers, narration). Cette dualité ne se laisse pas réduire aux catégories classiques de la critique d’art. Elle exige une approche qui embrasse à la fois le fonctionnement et la forme, le faire et le dire, le palpable et le symbolique.
Il est d’autant plus paradoxal que ceux-là mêmes qui revendiquent une critique “émancipée” du jeu de société comme art, oublient parfois d’interroger les mots qu’ils mobilisent. Comme le rappelait justement l’un de mes interlocuteurs : il est essentiel de questionner les termes et les catégories que nous considérons comme acquis. Or, “art”, “œuvre”, “critique”, “jeu” sont autant de concepts historiquement situés, porteurs de biais. Une critique pertinente devrait au contraire s’efforcer d’épouser la complexité de l’objet qu’elle observe, au lieu de le contraindre dans un moule préexistant.
C’est pourquoi il me semble essentiel de revendiquer pour le jeu de société une double appartenance : à l’art et à l’artisanat. Non pas comme une synthèse facile, mais comme une tension productive, un entre-deux qui fait sa singularité. Le jeu est à la fois conçu et façonné, pensé et fabriqué. Il engage l’imaginaire, mais aussi la matière, le rythme, la manipulation. Une critique à la hauteur de cet objet doit donc être capable de penser ensemble le geste et le sens, le système et la sensation, la beauté et l’usage.
Désolé je ne peux pas être d’accord avec ça.
D’une part, tout ce que tu dis sur les soi-disantes spécificités du jds comme étant hybride entre art et artisanat se retrouvent dans à peu près tous les autres arts.
Un écrivain, une musicienne, un réalisateur, une sculptrice, un peintre, une développeuse de jeu vidéo, toutes et tous doivent aussi composer avec des éléments matériels (c’est le propre de l’art selon Hegel !) et travaillent également par itération, en se confrontant à l’avis de diverses personnes pour raffiner leur oeuvre.
Et pareil toutes ces oeuvres dans le circuit commercial finissent par être des oeuvres collectives (sauf exceptions dans les milieu indés bien sûr).
En quoi le jds est spécifique ? Ou alors tu considères la musique, le cinéma et la littérature comme de l’artisanat également (auquel cas je suis d’accord, même si c’est pas très utile d’avoir deux termes qui se confondent autant).
D’autre part tu as l’air de faire un sacré procès d’intention à la critique jds (autrement dit à pas grand monde). En quoi ma vision entâche mes critiques par exemple ? J’aimerais bien le savoir avec des exemples concrets. Non pas pour chercher la petite bête ou t’embêter, mais aussi parce que la critique est encore émergente et je me demande dans quelle direction elle devrait aller.
Merci pour ta réponse, et je comprends tout à fait tes objections — elles sont légitimes, et je suis d’accord sur plusieurs points.
Je ne cherche pas à faire du jeu de société un “cas à part” absolu, ni à nier que d’autres formes artistiques intègrent aussi une dimension matérielle, collective et itérative. Bien sûr qu’un cinéaste, musicien, un écrivain passent par des processus d’ajustement, de test, de dialogue avec des contraintes techniques ou humaines. Là-dessus, on est tout à fait alignés — et c’est pour ça que je me réfère aussi à Becker ou à Juul : pour penser l’œuvre comme processus, pas comme pure expression individuelle.
Mais ce que je propose, c’est que le jeu de société pousse cette hybridité à un degré particulier, qui mérite qu’on s’y arrête. Non pas qu’il soit “le seul” à faire cela, mais qu’il le fait d’une manière qui produit des tensions critiques intéressantes. Il n’est ni seulement un objet esthétique, ni simplement un outil interactif ou ludique : il est système et récit, matériel et symbolique, manipulation et contemplation … tout à la fois.
Le jeu de société, dans sa forme “boîte sur une table” (contrairement à d’autres médias comme le JV, par exemple), place le joueur dans une position active de co-créateur de l’expérience, via des règles, des objets tangibles, des interactions sociales et une temporalité partagée. C’est en cela qu’il me semble relever d’un “faire” qui engage des formes de savoir proches de l’artisanat. Non pas parce que les autres arts ne le feraient pas, mais parce que cette part artisanale ne peut pas y être mise entre parenthèses sans appauvrir la critique. Il est enfin, dans beaucoup de cas un instrument servant a etre « joué ». Un jeu d’ambiance ne fonctionne vraiment que si les joueurs decident de « Jouer le jeu » mais peut en revanche, d’un point de vue mécanique ou illustration, faciliter ou empêcher sa prise en main, appropriation etc. La critique de l’artisanat et son histoire permet cela en fournissant les outils nécessaires. On peut s’offusquer de ceux qui disent qu’a la fin « ce n’est qu’un jeu », il ne faut pas oublier qu’a la fin « c’est AUSSI un jeu ».
Quant à la critique elle-même, je ne visais personne en particulier (et sûrement pas toi ). Je faisais plutôt un constat général, parfois même en me mettant en question : quand on dit “le jeu est un art”, de quel art parle-t-on ? Et avec quels outils allons-nous le critiquer ? Si on n’interroge pas les cadres qu’on mobilise, il y a un risque de reconduire des hiérarchies implicites : valoriser le concept, le message ou l’univers, en oubliant les systèmes de jeu, les dynamiques tactiles ou la qualité du geste de fabrication.
Donc ce n’est pas un procès d’intention, c’est plutôt un appel à complexifier notre grille de lecture — justement pour nourrir la critique en construction. Et si tu me demandes des exemples : je pense à des critiques très bien écrites sur la “profondeur thématique” d’un jeu, mais qui ne disent rien de son rythme, de son accessibilité matérielle ou de la sensation physique qu’il produit — et qui, pourtant, jouent un rôle crucial dans l’expérience.
Je crois qu’on partage en réalité le même objectif : penser une critique du jeu de société qui soit à la hauteur de sa richesse. J’apporte juste ici une nuance : cette richesse ne se limite pas à ses effets symboliques, mais engage aussi un savoir-faire, un usage de la main, une culture du test et du prototype qui méritent d’être regardés comme tels. Il y a un but utilitaire dans le jeu, il y a une visee de reproduction commerciale, il existe des contraintes de creations que l’art « Pur » (s’il y en a un…) peut se permettre d’ignorer. On peut arguer que le cinema aussi (avec ses contraintes de production, de budget, distribution… Mais un film se cree egalement en circuit de galerie et peut echapper a tout cela… Il ne me semble pas que le jeu de societe puisse le faire lui.