Narration, intrigue, scénario, histoire, récit… Après des debriefs de festivals à gogo, la Proxi-Team décide de rouvrir un nouveau dossier spécial consacré à un sujet qu’elle espère source de débats enflammés : La narration dans le jeu de société. C’est donc Zephiriel, Flavien, Polgara et Le Pionfesseur qui se penchent sur cette question épineuse et qui tenteront de déterminer si une véritable narration est possible dans le jeu de société.
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Commentaires de l’épisode précédent
Un rapide retour sur les commentaires des émissions précédentes consacrées au debrief d’Essen et à la question « Le jeu de société est-il un loisir de niche ? ».
Le Dossier – La narration dans le jeu de société
Flavien commence par une petite mise au point et un mini-coup de gueule. Il appelle de ses vœux un vocabulaire plus précis plutôt que de parler de « narration » à toutes les sauces, lorsque celle-ci est le fruit de plein d’éléments : le récit, son écriture, ses personnages, la mise en scène, l’immersion, la création d’un univers…
Il regrette aussi que le sujet de la narration soit, du fait de ce raccourci, abordé uniquement lorsqu’il est question de jeux dits « narratifs », qui possèdent en général une forte composante écrite. Il en profite pour affirmer que le terme « jeu narratif » est un peu galvaudé – même s’il permet rapidement d’identifier le genre de jeu dont il est question – car il n’existe pas de jeux « non-narratifs », la narration se déployant de diverses manières auxquelles on peut être plus ou moins sensibles.
Après un rapide retour sur les différentes définitions, Polgara vous propose d’examiner les éléments qui participent à la technique narrative et de se demander si ces éléments sont pertinents pour le jeu de société. Il sera donc question de :
- la situation initiale dans laquelle va se dérouler le récit ;
- le style de l’auteur ;
- l’intrigue ;
- les personnages ;
- le point de vue ;
- le thème.
Cette grille d’analyse reprend les principales études que l’on peut trouver s’agissant de la littérature.
Les podcasts cités par Le Pionfesseur en fin de chronique :
- Ludographie Comparée sur FTL : https://www.radiokawa.com/episode/ludographie-comparee-21/
- Comment c’est Raconté : https://ccrpodcast.fr/
Le Pionfesseur nous parle des différents sujets qu’il aime dans les autres médias mais qui ne sont pas assez abordés dans le jeu de société.
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@Pionfesseur
Je participe à des chasses au trésor ludiques, qui par essence sont immersives (je ne prends pas le risque de dire si elles sont narratives, vu vos polémiques) dans un univers.
Certaines sont commerciales et abordent des thèmes plutôt joyeux, d’évasion ou instructifs mais sans susciter d’émotion forte chez les joueurs.
Certaines abordent des thèmes tristes de société. Une était sur les fugues chez les ados liées à un mal-être. Elle était financée par une association s’occupant de santé mentale (la dépression est de loin la maladie mentale la + répandue).
Bref, un jeu peut parler de tristesse et de sujets de société. C’est + facile si c’est une commande, et c’est mieux si les scénaristes ou auteurs maîtrisent le sujet.
Le summum de la narration par la mécanique :quand tu perds, ton casque de VR t’expose la tête.
https://www.01net.com/actualites/casque-realite-virtuelle-vous-tue-vous-perdez-partie.html
Merci pour le dossier. Très chouette et très frustrant comme souvent avec les débats mais tellement matière à penser.
Dans les émotions et traitements que seul le media sociétoludique sait mettre en scène, je pense spontanément au jet de dé. Le jet de dé c’est un concentré d’aléatoire et d’émotion vécue à la fois comme non-contrôlé et pourtant émanent de nous-mêmes (j’ai du mal à retranscrire mon idée). Comme si c’était une intervention « divine »/tombée du ciel mais dont nous somme le véhicule et donc partie prenante et co-responsable car c’est nous qui jetons les dés. C’est un sentiment très fort et qui a fait ses preuves. Dans les jeux vidéo qui mettent en scène de l’aléatoire parfois en reprenant l’imaginaire du jet de dé de manière assez poussée (geste, bruit, etc.), je n’ai pas du tout la même sensation, sans doute car la machine est venue faire obstacle entre l’aléatoire tombé du ciel et mon geste (sans compter l’impression que la machine peut manipuler l’aléatoire et me mentir à son sujet) (modifié)
Alors, la narration, beaucoup à dire…
J’avoue que je suis un peu juge et partie en la matière puisque A Street Story, mon jeu vidéo narratif, sort sur Steam ( https://store.steampowered.com/app/1848360/A_Street_Story/?beta=0 ) et Itch.io ( https://astreetstory.itch.io/a-street-story ) le 25 novembre ! La plupart des idées développées ci-dessous sont intrinsèquement liées au contenu des liens ci-dessus. Mais une fois passé cette phase d’autopromo, j’aimerais proposer deux notions pour clarifier les choses.
D’une part, je trouve que vous n’avez pas assez opposé la narration à la mécanique. Les jeux (vidéos ou de plateaux) sont d’abord définis par leurs mécaniques. Plus personne aujourd’hui ne joue aux échecs en se projetant dans une tragédie shakespearienne, alors que les pièces présentes sur le plateau sont à peu près équivalentes aux personnages de Macbeth, Hamlet ou du Roi Lear. Nous ne considérons des échecs qu’un ensemble de règles très savantes à la méta élaborée, faite d’ouvertures et de stratégies à maîtriser pour jouer au jeu de manière intéressante.
C’est, me semble-t-il, le destin inévitable de la narration dans un jeu dont la vie dure. Si un jeu résiste au temps, c’est d’abord par la force de ses mécaniques et l’habillage narratif, ou le thème, finit par s’effacer au profit de son gameplay. Pour prendre un exemple plus moderne, c’est ce qui est arrivé à Donjons et Dragons et au JdR traditionnel en général : en 40 ans, on est passé d’un jeu censé nous plonger dans une histoire et un monde imaginaire rempli de pièges et de créatures dangereuses, à une pure mécanique efficace : celle du dungeon crawler. Après 40 ans de JdR, jeux vidéos et de plateaux en tout genres, on n’entre plus dans un donjon pour vivre une aventure extraordinaire et mystérieuse, mais limite comme on remplirait une fiche compta sur excel en chiffrant ses dépenses et ses recettes prévisionnelles. J’ai acheté quinze potions, est-ce qu’elle seront suffisantes pour survivre à une vingtaine de trolls et me permettre de gagner dix points d’expérience ?
Je me souviens des podcasts de Gameblog, il y a de cela peut-être une dizaine d’années, qui rattachaient ce problème à celui de la « suspension of disbelief » (« suspension d’incrédulité ») de Coleridge (mais que Wikipedia fait remonter à Aristote, la Poétique et sa célèbre « catharsis »). Chez Gameblog le sujet était souvent lié aux jeux vidéos d’infiltration et notamment à la célèbre série des « Splinter Cell ». Il y avait toujours au début des « Splinter Cell », cette phase un peu magique où l’on croyait au jeu et on se laissait prendre à l’illusion des intelligences artificielles. Où l’on se forçait à avancer prudemment en restant caché dans l’ombre sans faire de bruit de peur de se faire repérer par les gardes. Puis à un moment donné, l’illusion se brisait. Le jeu ne devenait plus qu’un jeu : on comprenait qu’en s’approchant de telle manière, à telle distance, on ne risquait rien. On comprenait que les créateurs cherchaient à nous effrayer tout en nous permettant de surmonter l’obstacle et il suffisait de comprendre ses règles pour jouer avec ses limites et gagner. La grande réussite et la modernité d’un jeu comme The Last of Us 2 (malgré le managment esclavagiste de ses équipes créatives) est précisément d’affiner et de repousser les limites de ses IAs pour éviter que le joueur ne s’installe dans une routine, le pousser à réinventer constamment sa stratégie de manière spontanée, afin de créer ces moments magiques où le joueur se dit qu’il a vécu un instant unique, impossible à reproduire, où il est parvenu à triompher du jeu en se dépassant, en perdant contrôle sur lui-même et pas simplement en appliquant une technique toute faite.
La narration dans un jeu c’est donc ce moment où le sentiment, la spontanéité l’emporte sur la mécanique. La question s’est d’ailleurs posée à de nombreuses reprises en littérature. Don Quichotte de Cervantès, bien avant les dungeon crawler, se moque déjà du caractère mécanique des aventures chevaleresques. Le roman de chevalerie qui apparaît autour du XI-XIIè siècle est très usé au XVIè lorsque Cervantès écrit et a toujours recours aux mêmes personnages, aux mêmes intrigues, aux mêmes procédés, qui au bout d’un moment, tout en répondant aux attentes des lecteurs, n’ont plus rien de spontané ou d’aventureux. De la même manière, les vaudeville du XIXème siècle, reprennent au théâtre de manière mécanique, des personnages, des situations et des procédés comiques inventés par Molière et Beaumarchais, ce qui explique qu’on lise plus aujourd’hui les second que les premier. Par conséquent, tous ces jeux « narratifs » cherchent des moyens d’effacer la mécanique de l’expérience ludique, comme les grandes œuvres fictionnelles (au théâtre, en roman, au cinéma et en série) parviennent à échapper à la mécanique du « genre ».
L’autre notion sur laquelle j’aimerais insister, m’est plus personnelle et je cherche à la propager autant que possible dans les milieux ludiques. C’est l’opposition entre la narration et la dramaturgie. Ça fait un moment maintenant qu’on parle de narration interactive mais le véritable horizon de la fiction ludique n’est plus la narration mais la dramaturgie. En quoi la dramaturgie se distingue-t-elle de la narration ? C’est en réalité l’opposition événement/personnage ou dans les termes d’Aristote la fable et les mœurs, devenus au XVIIème siècle l’intrigue et l’action, et que j’ai retrouvé dans des manuels de scénarios hollywoodiens modernes sous la forme « action » et « story ». Oui, vous avez bien vu ! l’« action » au Etats-Unis c’est l’« intrigue », française ! D’où le cinéma et les jeux d’« actions » modernes, un usage nouveau que je n’arrive pas à dater exactement mais qui a bien l’air de provenir des sombres années 80, où le terme classique d’ « action » qui se référait traditionnellement à l’émotion et à l’évolution des personnages, donc à leur psychologie, s’est retrouvée affecté à leurs pirouettes spectaculaires, donc plutôt justement à l’intrigue.
Mais je me perds et vous aussi, donc reprenons : au départ, au VIIIème siècle avant Jésus-Christ, il y a l’épopée et plus particulièrement Ulysse (plus pratique qu’Achille à ma démonstration). Ulysse voyage sur la mer pour retrouver sa Pénélope bien aimée. Il s’arrête sur des îles, affronte des monstres… Aujourd’hui ce serait un héros de jeu vidéo qui traverse différents niveaux pour tuer des boss. La personnalité d’Ulysse n’a que peu d’importance : c’est un personnage de héros stéréotypé, caractérisé plus que d’autres par sa ruse, taillé pour affronter les obstacles que le récit viendra poser sur sa route. Ce qui compte dans l’épopée c’est l’événement, pas le personnage.
Trois siècles plus tard, la tragédie athénienne renverse totalement le paradigme. Lorsque Oedipe-Roi de Sophocle commence, le héros est marqué par deux caractéristiques paradoxales qui transforment en profondeur la nature de la fiction occidentale : Œdipe est le roi et il est déjà coupable. Œdipe n’est pas comme Ulysse un personnage positif qui amène la civilisation achéenne dans les terres barbares : il est à la fois le cœur de la cité et la raison de son implosion. On est passé d’une fiction conquérante et soyons clairs, franchement xénophobe voire fascisante, à une fiction trouble, reflet des débats internes complexes du modèle démocratique athénien. Dans la tragédie, ou la dramaturgie, le personnage n’est plus façonné pour l’événement comme dans la narration traditionnelle, mais l’événement naît du personnage et des ses émotions.
Toutes les formes narratives sont passées par ce renversement profond : dans le roman la transition s’est faite entre le XVIIIème et le XIXème siècle avec l’émergence du roman romantico-réaliste ; au cinéma c’est sans doute le passage du muet au parlant qui a conduit les cinéastes à structurer les scénarios sous forme dramaturgique, notamment à partir de M le Maudit de Fritz Lang ; en séries c’est définitivement Dallas qui a imposé un modèle de narration suivie et non plus épisodique, centrée autour de la famille comme les tragédies grecques, et qui a conduit à la modernisation du genre dans les années 2000.
Il est temps pour les jeux vidéos et de plateaux de faire pareil : de s’appuyer sur le conflit psychologique entre les joueurs, à l’instar typiquement du loup-garou, en brisant cette coopération épique et naïve héritée du jeu de rôle des années 70, tout en échappant à la mécanique du gameplay, ou tout du moins en faisant en sorte qu’elle ne puisse jamais à elle seule devenir un pur calcul abstrait qui finisse par effacer l’humain. Tout le reste : l’émotion, la politique, la représentation du quotidien, suivra naturellement, comme ç’a été le cas dans tous les médias cités ci-dessus. Ce qu’il manque aujourd’hui aux mondes ludiques, c’est uniquement un cadre dramaturgique à la fois stable et ouvert sur lequel puisse se construire le récit ludique moderne.
Bonjour,
Je ne suis pas d’accord sur le commentaire concernant le jdr. Je précise que je n’ai jamais joué à D&D (sauf sur ordi avec les Baldur’s gate), mais j’ai lu pas mal de choses à son sujet (livre sur l’histoire du jdr notamment) et je connais pas mal d’autres jdr par ailleurs (moi, j’ai plutôt découvert le jdr avec Warhammer).
Vous dites « on est passé d’un jeu censé nous plonger dans une histoire et un monde imaginaire rempli de pièges et de créatures dangereuses, à une pure mécanique efficace : celle du dungeon crawler » : non. Il n’y a qu’à suivre des actual plays pour voir que ce n’est pas du simple dungeon crawler ; Role n’ play, issu porutant de la 5e (édition de D&D) permet de créer des histoires proches de ce que vous dites de la promesse initiale, avec de l’émotion en plus. Le dungeon crawler, c’est ce qu’à fait le jeu vidéo du jdr car il ne pouvait gérer que l’aspect statistique et il n’y a d’ailleurs que la progression statistique des persos qui a été conservé et infusé ad nauseam dans tous les jeux vidéo et même les jeux de société. D’ailleurs ce qui est amusant, c’est que dans la(les?) premières éditions, les xp gagnés étaient l’or obtenu, quels qu’en soient les moyens. Vous pouvez choper ces pierres précieuses sans combattre ? Tant mieux pour vous.
Mais que dire des jdr qui permettent de jouer des enquêtes ? que ce soit fantastique/horreur comme dans Cthulhu ou réaliste (Crimes) ? Sachant que rien n’empêche lors d’une partie de dévier d’un scénario car les propositions des joueurs sont plus intéressantes : ce que ne permet pas le jeu vidéo. Je sais qu’il y a des jeux qui permettent du gameplay émergeant (les Deus Ex / Dishonored, etc.) mais si les développeurs n’ont pas prévu que le fils d’un éboueur était un de nos amis d’enfance et qu’il habitait l’appartement juste à côté de celui qu’on voudrait infiltrer, bah même si cette proposition est cool, elle ne passera pas.
Enfin, si on lit des articles dans les revues/sites de jdr, on peut voir qu’un donjon peut raconter quelque chose de par son décor, les événements ou même les combats. Je pense notamment à Gardens of Ynn et Stygian Library qui avaient été chroniqués sur Radio-roliste (https://www.radio-roliste.net/?p=1955).
Après, si j’ai bien compris, la dramaturgie se serait la centration sur les conflits intimes des personnages alors que la narration le serait sur les événements. Je ne sais pas si c’est rigoureux, mais soit.
En revanche, concernant la conclusion, encore une fois, le jdr permet déjà de faire ça. La gamme de Vampire La Mascarade repose beaucoup sur les conflits intimes des personnages (comment ils gèrent la bête et leur passé humain), la nécessité d’être ensemble (le monde vampirique n’est pas amical) et leur rivalité inévitable (en tant que membre de clans différents ou même en tant qu’individus aux valeurs différentes). C’est la proposition de base du jeu qui a souvent été résumée, il est vrai, à « moi devenir fort et mordre vieux vampire pour être plus fort ».
Un jeu comme Dead of Winter propose aussi ce genre de conflit interne au perso ou au groupe de perso : je n’aime pas du tout le thème des zombies, mais ce jeu retranscrit bien les conflits entre les personnages dans un groupe de survivants : parmi nous, il y a « peut-être » un traitre, ce qui nous oblige à surveiller tout le monde ; on a des objectifs collectifs et personnels qui entrent en conflit. On va pouvoir voter pour bannir quelqu’un de la communauté de survivants. Une fois banni, on aura d’autres objectifs et se venger… Les questions de Pour la Reine s’intéressent également plus à la relation entre les persos qu’à leur faits d’armes et elles nous amènent à dévoiler leurs conflits intérieurs.
Pour conclure, j’aime lors du cadre d’un jeu qu’un avatar intervienne entre moi et la table/écran. Quand je dois faire des choix « moraux » (sauver l’enfant maladif qui sera un poids ou l’adulte robuste qui pourra nous aider), j’aime le faire dans le cadre d’une fiction qui rend acceptable toutes les issues. Dans le Dilemme du roi, c’est mon avatar qui décide de condamner ou non le crime de tel protagoniste, ce n’est pas moi. Les jeux vont me fournir des outils qui me permettront de faire un choix qui ne serait peut-être pas le mien en temps normal et c’est justement ça qui est cool dans ce cadre : pouvoir être confronté à d’autres points de vue que les siens lors d’une simulation. On peut être convaincu de l’interdiction de la peine de mort et la défendre dans le cadre d’un jeu.
Le JdR papier est une arnaque. J’ai voulu y croire à l’âge d’or dans les années 90 ou j’ai pas mal lu, pas mal joué, pas mal mastérisé mais à la fin on se retrouve avec un format bancal qui marche jamais. On se perd des heures à lancer des dés pour résoudre des situations à la con et l’histoire qu’on obtient à la fin n’est pas digne du pire épisode de Star Trek ou de Mission : Impossible des années 60…
Le dungeon crawler n’est plus uniquement un genre vidéoludique : il pullule en jeu de société, notamment à partir des productions FFG type The Descent ou Empire Assault, pour ne pas parler de déclinaisons super-malignes comme Clank! . C’est normal : il permet de récupérer les mécaniques de DnD pour les rendre efficaces, et in fine, jouables !
Et la dramaturgie, oui, c’est construire d’abord des histoires autour des personnages plutôt qu’autour des événements. Les grands films classiques de John Ford ou d’Hitchcock (entre beaucoup d’autres) sont construit sur ce modèle là. Les événements émergent des relations entre les personnages : on n’attend pas des personnages qu’ils soit simplement les héros de telle ou telle scène de combat.
La question, c’est donc comment un cadre mécanique fonctionnel (donc pas le JdR qui a toujours été une arnaque bancale, avec son proto dictateur, le MJ, auquel on demande d’être à la fois arbitre, auteur et gourou…) peut nourrir une vraie narration dramatique qui mette en jeu des personnages complexes…
Et pour Dead of Winter, ça marche pas mal, mais c’est juste un jeu de zombies et de survie avec un traître dedans. Je trouve que les mécaniques de survie sont assez pénibles et on ne nous donne pas du tout d’espace pour incarner les personnages.
Pour le coup je trouve que ton commentaire témoigne d’une grande méconnaissance du JdR.
Au contraire, le JdR tradi (bien qu’il soit revenu à la mode en puissance à cause de Stranger Things) était justement très axé mécanique / dungeon crawler et tout ça, et au fur et à mesure de l’évolution du média il y a eu de plus en plus d’oeuvres centrées sur les personnages, qui cassent ces codes, qui se jouent sans MJ, sans jets de dés, sans test à la con, etc…
Certes c’est bien le JdR tradi qui se vend encore aujourd’hui le plus mais au moins, à la différence du jeu de société, je peux me réjouir de trouver ce genre de proposition vraiment narratives et même parfois bien écrites.
Je t’invite à écouter le podcast de La Cellule qui parle un peu de tout ça.
J’ai pas mal écouté le podcast la Cellule, mais je n’ai pas l’impression que l’école « narrativiste » du JdR ait vraiment fait florès. Pour faire simple, je pense que tout le monde s’accorde à dire que le JdR depuis DnD n’a pas réussi à s’imposer comme un médium stable contrairement (pour repartir des années 70) aux séries télés, aux jeux vidéos ou aux jeux de société.
Idéalement l’école narrativiste, contemporaine des jeux de société modernes (autour des années 2000) aurait dû être au JdR ce que Catan, Les Aventuriers du Rail ou Smallworld ont été aux gros jeux monstres des années 60-90 (Diplomacy, Dune et autres..), soit une proposition affinée, allégée qui s’ouvre au grand public. Ça n’a pas été le cas. Aucun de ces JdR narrativistes n’a su s’imposer comme une référence, ni dans le public spécialisé et encore moins dans le grand public.
Aujourd’hui le grand public connaît probablement mieux Carcassonne que la plupart des jeux de société des années 70. Si on parle JdR, je suis incapable de nommer un seul titre narrativiste important et le grand public encore moins : il est resté sur DnD et L’appel de Cthulhu…
Désolé de vous l’annoncer crûment, mais le JdR est un médium avorté !
Bonjour,
merci pour cette émission : au regard des débats, j’avais l’impression que, finalement, il s’agissait plus de la narration dans les jeux de société dits « narratifs » que dans les jeux de société dans leur ensemble (même si je suis assez proche de Flavien pour penser que les jeux qui ne sont pas dits « narratifs » peuvent avoir une part de narration : je suis assez surpris que l’exemple de Race for the Galaxy n’ait pas été cité ;-)), surtout quand dans d’autres émissions on inclut dans les jeux de société les jeux de rôle (je n’ai pas de position réfléchie sur ce sujet : par réflexe, j’en fais deux catégories séparées).
Je cherchais dans le billet les liens vers les podcasts cités par le Pionfesseur : j’ai retrouvé Ludographie comparée mais j’ai oublié le nom d’au moins un autre : il va falloir que je réécoute :-).
C’était « Comment c’est Raconté », j’ai mis le lien dans le billet du coup désolé x)
J’ai toujours un peu de mal avec les jeux dits narratifs, je trouve souvent les textes peu intéressants, je dirais pas mal écrit, mais disons que ça n’apporte rien de plus, c’est assez convenu. Je pense spécifiquement aux Ryan Laukat ou je n’ai été que de déception en déception, j’ai l’impression que ça hachure un jeu déjà pas spécialement novateur ni même intéressant, j’appelle ça un jeu barratif : baratin narratif ou bourratif, c’est libre ^^.
Cela me fait penser pourquoi je n’aimais pas les longues cinématiques dans certains jeux vidéos, parce que je suis pas au cinéma, j’ai pas envie que l’on m’arrête toutes les cinq minutes pour m’en mettre plein les mirettes, ici c’est un peu pareil, quitte à lire une histoire je préfère lire un livre.
Sinon je suis d’accord, la narration est portée par le jeu et par les joueurs aussi quelquefois. J’ai un peu perdu cet émerveillement mais au début toutes mes parties de Terraforming Mars me racontaient quelque chose, comment on avait tous ensemble terraformer la planète et même la direction de la partie.
Le jeu que j’ai trouvé le plus narratif ne possède pas de texte à part pour les règles, mais pour le reste on a jamais que des images et des iconographies et pourtant chaque partie de Paléo me raconte une histoire, et même toutes ensemble elles me racontent une histoire. Celle d’une tribu d’hommes préhistorique qui tente de survivre, d’abord aux manque de nourriture, mais aussi les éléments, les autres hommes, les bêtes sauvages. On apprend à faire des outils, le feu des rites funéraires etc. Avec l’extension on découvre l’élevage, la cultivation etc. Le jeu réussit à me raconter une histoire sans texte, c’est fort quand même ^^
Bonjour à tous,
Juste un petit commentaire quand à la définition de « narratif » dans le jeu de société. Je suis un gros joueur et ma femme me suit avec plaisir dans ce loisir, seulement elle se contente de ce que je lui propose.
La première fois que je lui ai parlé de jeu narratif, elle m’a regardé sans saisir ce que narratif apportait au nom jeu. C’est en lui expliquant que c’est un jeu dans lequel les joueurs sont immergés dans une histoire déjà écrite et qui évoluera différemment en fonction des choix/actions des joueurs, que j’ai réussi lui faire comprendre. Et encore aujourd’hui, le terme de jeu narratif la laisse assez pantoise. Cet exemple n’est pas le seul que je connaisse.
Finalement, il me semble que pour un joueur lambda, le terme de jeu narratif ne veut pas dire grand-chose et que « jeu dont vous êtes le héros » conviendrait mieux (en permettant de rappeler les souvenirs des livres dont vous êtes le héros qui parlent à un public plus large)
Bonne continuation
Sauf erreur vous n’avez pas évoqué le jeu The Road qui à partir de simples cartes sans texte si ce n’est le nom de la carte permet d’imaginer une narration.
Bonjour et merci pour cette émission et les échanges étaient très intéressants. J’ai pas encore tout écouté (il me reste encore un peu de la chronique du Pionfesseur), mais je voulais réagir sur quelques points avant d’oublier:
Concernant le point de vue dans la chronique de Polgara, si mes souvenirs sont bons, il y en a 3 : le point de vue (focalisation) omniscient : le narrateur connait tout sur tout (il a une connaissance de plus intime des personnages, même ce que les personnages ignorent d’eux-mêmes, il le sait et il connait tout du passé, de présent et de l’avenir) ; il y a le point de vue externe : le narrateur est un témoin et peut décrire ce qu’il voit mais n’a pas accès au vécu intime des autres protagonistes, comme Watson qui peut expliquer ce que fait Holmes mais ne peut pas savoir pourquoi il le fait à moins que ce dernier le lui explique et le point de vue interne : l’action est vue du point de vue d’un protagoniste.
Dans une autobiographie, la première personne « je » est à la fois l’auteur (qui écrit), le narrateur (qui raconte) et le personnage qui vit l’action.
La 3e personne « il » pourra être le sujet d’un point de vue omniscient : « en retirant l’épée du socle, il ne savait pas qu’il changerait à jamais le destin de Boumkawa. » ; externe : « il voyait une silhouette s’introduire dans le bâtiment par la sortie de secours et repartir quelques minutes plus tard avec un colis dans les bras » ; interne « il avait faim et il décida d’aller au restau le plus proche ».
Concernant le style, je pense que l’aspect visuel va aussi impacter le ressenti qu’on aura sur l’histoire. Le choix du thème des fantômes chinois ou du medfan pour Ghost Stories et Last Bastion n’est pas sans effet. Avec les fantômes chinois, on est dans un jeu d’horreur et on joue une bataille désespérée. Perdre est l’issue normale et le thème (me) permet d’accepter plus facilement la défaite que dans Last Bastion où l’on se retrouve dans un univers équipe où les héros doivent nécessairement gagner. Est-ce que si Time Bomb était en français une version terroriste réaliste vs GIGN se serait un party game populaire ? Surtout après les événements qu’il y a eu en France ?
Par contre, je suis totalement d’accord avec la conclusion de la chronique de Polgara. On est trop axé sur « narration = écrit ». C’est encore difficile d’étudier les jeux. Dans « Board Game as Media », Paul Booth propose plusieurs articles d’analyse sur les jeux de société, mais dans les 3 premiers articles, on va trouver une « analyse ludo-textuelle », une « analyse rhétorique » et une « analyse du discours ludique ». Ça montre bien que même pour un même auteur il est difficile de trouver une approche satisfaisante.
La narration ne se limite pas aux jeux à texte : Ghost stories, Subterra et les jeux coop peuvent souvent être vécu comme une histoire.
D’ailleurs, je n’aime pas trop quand des jeux sont trop « bavards » et où l’aspect narratif n’est dû qu’à la longueur des textes à lire : de même qu’au cinéma on dit « ne dit pas, montre », dans les jeux il faudrait dire « ne lit pas, fais-le jouer » 🙂 Pour les jeux d’enquêtes, ça ne me dérange pas car c’est une autre façon de présenter une histoire policière. Mais par exemple, est-ce que c’est la peine d’avoir une page de fluff au début du livre des règles d’Android Netrunner ? Quand ma femme a essayé de lire les règles, ça lui est tombé des mains et ça la beaucoup faire rire (c’est quoi ce charabia !). De même, le texte d’ambiance sur les cartes, je ne le lis jamais. Si le titre, l’image et l’effet de la carte son bien choisis, ça suffit pour me raconter quelque chose.
Si les particularités d’un média / medium ne sont pas exploitées, pourquoi l’avoir choisi. Si un auteur de scénario de jdr écrit un scénario très dirigiste où les joueurs ont un champs d’intervention faible : pourquoi ne pas écrire directement un roman.
Dans d’autres jeux, c’est la prose pseudo-littéraire qui me gêne : c’est un peu le cas avec le Dilemme du roi pour moi. Pourquoi pas dire les choses clairement et éviter les lectures fastidieuses de cartes avec une question dont on a du mal à savoir si ça pourrait pencher de notre côté ou pas…
Après, j’ai un peu de mal à comprendre ce qu’est un « jeu narratif » dans la chronique du Pionfesseur. Je comprenais ce genre comme des jeux où on crée une histoire (Il était une fois, Fragments, Pour la Reine, Paris 1889, le Dilemme du roi – je viens plutôt du jdr), ou qu’on la dévoile avec des choix (BD dont vous êtes le héros, Dilemme du roi). À l’inverse, les jeux d’enquêtes ne sont pas narratifs pour moi. C’est plus comme des puzzle littéraires.
Bref, ça génère beaucoup de réflexions et c’est ce qui est plaisant 🙂
À bientôt !
Pour moi les jeux style « Il était une fois » c’est des jeux de storytelling, pas des jeux narratifs.
J’en avais fait une chronique ici : https://podcast.proxi-jeux.fr/2018/05/n97-chroniques/#les-analyses-du-pionfesseur
Juste un truc pour rebondir sur le top de pionfesseur
sur l’horreur notamment, mais je pense que ça peut s’appliquer à d’autre point de son top. Je pense que la différence entre cinéma littérature et jeu vidéo d’horreur, c’est que dans ces média là on est tout seul face à l’œuvre alors qu’en j2s on est avec des gens (et souvent dans un endroit bien éclairé), ca rassure de voir les gens proche. Quand on regarde un film d’horreur ou qu’on joue à un JV d’horreur on est seul face à son écran. et si on est à plusieurs, par exemple quand on regarde un film d’horreur à halloween, justement il y a moins de peur parce qu’on est ensemble on se toise, on rigole, pour cacher sa peur.
je retourne à mon écoute
C’est vrai ! Même si je pense que pas mal de gens consomment des films d’horreur à plusieurs.
Vous évoquez plusieurs fois la narration dans la musique et l’écriture musicale (notamment Le Pionfesseur). Vous pensiez implicitement aux paroles de chanson ou bien véritablement à la musique (les notes) ??
Oui il y a de la narration dans la musique instrumentale mais pour la capter il faut être soit très perspicace, soit bien informé. Un cas d’école c’est l’ouverture de Guillaume Tell (en entier). Respect à celui qui comprend l’histoire rien qu’à l’écoute sans aucune autre explication !
Bonjour,
Je suis en train d’écouter cette discussion passionnante.
Ce que j’aime c’est me raconter l’histoire ds ma tête. Je suis ludisoliste, faute de personnes aimant les JdS autour de moi, donc je peux interpeller mes meeples, même ds une simple pose d’ouvriers (du coup, de mauvais mouvements sont de leur faute, pas de la mienne)!
Et comme j’ai l’imagination fertile, je m’immerge très facilement dans un jeu.
En premier lieu, il y a les jeux dont l’univers nous est connu, les jeux à licence. Je pense qu’on ne peux apprécier réellement Red Rising uniquement si on a lu au moins les deux premiers tomes. On comprend les alliances entre les cartes, et des passages de la saga nous reviennent en mémoire avec plaisir.
C’est un peu la même chose pour Dune Imperium, même si la connaissance du contexte n’est pas primordiale (quoique : savoir que l’epice, non, ne sert pas à faire du taboulé, c’est quand même mieux!)
Je suis un peu déçue que les auteurs n’aient pas suivi le synopsis des romans de Herbert père, il y a beaucoup de personnages que je ne connais pas dans le jeu. Et je me suis endormie à peu près vers la 20ème minute du film…
Même si on doit jouer avec plusieurs personnages dans un jeu coopératif quand on joue en solo, je colle un post it avec un prénom imaginaire pour chacun, et un pour moi, s’ils ne sont pas déjà nommés.
Je deviens très facilement la chercheuse ou le médecin dans Pandémie (je peux jouer un homme, une femme, un animal etc.), le body-guard ou l’alpiniste dans Sub Terra****, Reeves dans Aeon’s End, Ben dans Zombicide: Night of the Living Dead (quoique l’on retrouve ici un univers prééxisranr, créé par G.Romero, comme je l’ai évoqué précédemment) et ainsi de suite. Et c’est parti pour l’aventure!
Je me raconte l’histoire tout haut au fur et à mesure de la partie.
Parfois, quand j’en ai le courage, je mets par écrit tout ou partie de l’histoire vécue.
Je l’ai fait pour Bess l’aviatrice dans le petit Expédition Perdue (les cartes sont un modèle de narration visuelle de style BD – à mon avis)
Ou un bout du récit de Dimitri dans Le 7ème Continent. Je n’ai jamais vaincu aucune malédiction ^^, mais me suis à chaque fois régalée à découvrir ce que les chemins sur ces terres étranges me réservaient!
Il y a un jeu qui se prête à merveille à cette immersion (je n’ai pas terminé mon écoute, j’ignore si ce jeu a été évoqué) c’est Call To Adventure. Là encore, j’ai rédigé de courts récits ( dommage que l’extension de ce jeu soit complètement ratée…). Pas de texte sur les cartes, qu’une très chouette illustration et un titre.
C’est d’ailleurs ce qui nous est demandé pour jouer : d’inventer, grâce aux cartes disponibles dans une rivière, la vie de notre personnage à partir de son enfance. On lui invente des motivations, un destin et la conclusion s’opèrera après une ultime confrontation avec un boss final. A la fin de la partie, chaque joueu.r.se raconte l’histoire de son personnage.
Je perds très souvent, mais cela n’a que peu de poids dans le plaisir du jeu.
Enfin, on peu agrémenter nos parties avec des playlists musicales qui accentuent l’atmosphère d’un jeu, ou apportent des bruitages.
Je pense que vous connaissez le site Melodice, qui propose pléthore de listes, il suffit d’entrer le nom du jeu.
On peut modifier ces listes d’ailleurs.
Merci pour vos podcasts, que je suis bien heureuse d’avoir découverts!
Happy gaming!
**** j’adore Sub Terra, je m’immerge (no pun intended!) tellement dans ce jeu!
Le film -une pépite- oú les jeunes femmes ne reviennent pas de leur expédition spéléologique, car attaquées par des créatures humanoïdes mutantes est The Descent, que je conseille à tout amateur de film d’horreur (eviter la suite…)
La BOF de film est très agréablement inquiétante en musique d’ambiance.
PS : ooops! J’oubliais de dire, que, ds ma modeste expérience ludique :
– j’ai faut de P n’ P de Maquis. Je reconnais que c’est un jeu qui est bien conçu, pas de problème à ce sujet.
Mais comme je rentre dans l’histoire très vite, je suis émotionnellement touchée quand l’un des Résistants sefait prendre par un milicien collabo… et je ne le supporte pas!
Du coup, je n’ai jamais fini ma 1ère partie.
Alors je m’imagine mal jouer à This War of Mine!
J’aimerais acquérir « Freedom: le chemin de fer de la liberté »,qui me touchre car des membres de ma famille ont été esclaves… et un, « capanga » ou chasseur d’esclaves…(le Brésil a été le dernier pays à abolir l’esclavage). Mais je crains de tricher « à l’insu de mon plein gré ». Néanmoins il me semble que je devrais essayer ce jeu.
Désolée pour mon commentaire à rallonge!
Bon week end en jeux!
Je ne sais plus si c’étais dans cette émission où le Pionfesseur réfléchissait à des « jeux dans le jeu » ,comme évoqué avec le PROJET, mais j’aurais éventuellement à soumettre ROOM 25.
Le Pitch du jeu étant un jeu télévisé avec des candidats qui sont enfermés dans un complexe doté de 25 salles plus ou moins meurtrières dont il va falloir survivre et s’échapper.
Je trouve qu’on se met bien à la place des personnages en galère à travers ce dédale.
Bonjour l’équipe de liberation,
Je ne vais pas entretenir le débat sur oe jeu est il narratif ou pas. La mise au point est faite a ben non . Je n ai pas pu aller au bout du podcast et pourtant , j apprecie votre travaille bien fournis et documenté.
Par contre, je n ai pas compris le debat sur le capitalisme et tout le tointoin… Le jeu est un monde soumis au principe du marché… On nous vends des boites et oui meme si tu as un super jeu ou 5unp3ux jouer les syndicalistes… Je crois que tu en as qui y fond référence, on te vendra le jeu… Et la de nouveau ti es dans un systeme soumis a la loi du marché…
Je sais que vous etes pour certain allergique au vilain maux capitalisme… Souvent employé a tort et a travers… Mais là c etait trop . Le debat etait sterile jusqu a 1 heures 20 mn où j’ai décroché…
Je me serai cru sur un débat politique… Vous pouvez faire mieux j en suis intimement convaincu. Desole pour cette voix dissonante avec les commentaires positifs précédent .
De cette façon j espere faire avancer le debat a moins que je ne sois reduit au silence.
Bien amicalement et le besoin de possession nous a deja vaincu…
Ps j aurai bien mis un pseudo mais j assume les consequences en me retirant ….
Arf je me ne me suis pas relu et mon clavier de téléphone fait des saisis difficilement lisible désolé
Coucou,
Moi je veux bien que tu fasses avancer le débat mais va falloir balancer des arguments clairs parce que là on dirait juste que t’es pas content qu’on ait utilisé le mot « capitalisme » à un moment donné.
Viens sur Discord si tu veux ça peut être plus simple pour discuter
Bonjour à vous,
je suis Jean-Michel Grosjeu (de la chaîne YouTube). Merci pour votre podcast super intéressant. Et tellement intéressant qu’on a envie d’y ajouter son grain de sel 😉
J’ai justement consacré ma chaîne YT aux « jeux qui racontent une histoire », les jeux mémorables, les parties « dont on se souviendra dans 20 ans. »
Dans le domaine du roman ou du cinéma, certains ont introduit la notion de « cercle magique » qui me semble très importante. Et j’aime la résumer ainsi : quand après une cession de jeu mémorable, on vous demande de raconter ce que vous avez vécu, que racontez-vous ? L’histoire de 5 amis autour d’une table et qui passent une super soirée de jeux… ou bien l’histoire d’un groupe d’aventuriers dans la forêt tropicale à la recherche de trésors fabuleux ? Les deux types de jeux existent. Je peux passer une soirée de jeu inoubliable en jouant aux aventuriers du rail sans qu’à aucun moment je ne pense être vraiment en train de gérer un réseau ferré. Et à l’opposé du spectre, il y a évidemment le jeu de rôle où l’on oublie le monde réel et l’on vit par procuration les aventures d’un avatar.
Personnellement, sur ma chaîne, je m’intéresse aux jeux du deuxième type (sans aucun jugement de valeur – les autres jeux peuvent être aussi valables – c’est juste que je m’intéresse à ceux-là…). Dans les années 80-90, on les appelait les « jeux de simulation ». On pourrait les appeler aussi les « jeux d’immersion ».
Ce sont des jeux « bac à sable » qui proposent des outils aux joueurs avec lesquels ils vont eux-mêmes créer leur propre histoire. L’exemple le plus parfait est le fameux « Magic Realm » auquel j’ai consacré 7 heures de vidéo (et une partie mémorable avec l’équipe du Passe-temps à Toulouse). Mais il n’est pas obligatoire d’aller chercher des jeux aussi « exotiques ». Root est en partie un jeu d’immersion. Ou même Megawatts qui nous met vraiment aux commande d’un réseau électrique. Ou – pourquoi pas ? – Flamme Rouge.
En fait, un jeu est immersif, il génère sa propre histoire, il est un outil de narration, quand son cercle magique se trouve dans le monde qu’il décrit et non pas autour de la table de jeu (dans le monde réel). Un jeu est immersif quand les joueurs ne sont plus eux-mêmes mais les personnages qu’ils incarnent. Et un élément clé de cette qualité, je pense, est le fait que le système de règles proposé soit entièrement diégétique. Pour parler avec des mots plus simples, ça veut dire que chaque règle (du livret de règles du jeu) doit être logique dans le monde que l’on décrit. Par exemple, Scythe est un jeu qui – a priori – propose un univers riche dans lequel on aimerait se plonger. Par contre, il contient de nombreuses règles anti-diégétiques qui nous empêchent de nous y plonger et ramènent le cercle magique dans le monde réel. Scythe n’est pas un mauvais jeu mais il n’est un jeu immersif. Dans Scythe, un joueur ne peut pas se déplacer 2 tours de de suite. Pourquoi ? Qu’est-ce qui justifie ça dans l’univers steampunk proposé ? Idem pour son système de points de victoire, que représentent-ils ? Pourquoi le joueur se bat-il ? Qu’est-ce qu’il cherche à atteindre ? Des points de victoires ? ce n’est pas diégétique.
Même si Root, n’est pas complètement parfait sur ce point, on sent bien, par exemple, que son système de points de victoire représente beaucoup mieux le but de chaque faction : construire une industrie pour les chats, rétablir une dynastie pour les rapaces, etc. La règle diégétique est nécessaire à l’immersion.
Bref, je m’arrête ici mais je souhaitais vraiment faire entendre ce son de cloche. Parce que je pense justement que c’est là que le jeu de société a une force narrative que n’ont ni le roman ni le cinéma. Le jeu de société (certains jeux de société, les jeux immersifs) propose un bac à sable, une trousse à outils, qui permet au joueur de se créer sa propre histoire. Venant personnellement du monde de la littérature et du roman, je me passionne pour cet aspect des jeux de société et c’est ce que j’essaie de promouvoir sur ma chaîne YT.
En vous remerciant encore pour votre travail et vos réflexions,
Jean-Philippe Depotte
aka Jean-Michel Grosjeu
Ah tiens cool que tu sois un auditeur de Proxi-Jeux, je suis assez fan et admiratif de chaîne 🙂
Note bien que la notion de cercle magique est aussi utilisé dans l’étude du jeu (Acariatre en avait parlé ici : https://acariatre.net/2018/01/13/podcast-ludo-incognito-02-les-joueurs-sont-ils-des-gens-pas-serieux-huizinga-homo-ludens/ )
Et pour ce qui est de la diégèse, j’en parlais dans une de mes analyses ici : https://podcast.proxi-jeux.fr/2022/01/n133-chroniques/#les-analyses-du-pionfesseur
J’ai écouté ta chronique sur la diégèse qui est très intéressante. Mais j’insiste sur un point qui me tient beaucoup à coeur, c’est la nature diégétique ou non-diégétique des règles elles-mêmes, ou du gameplay. Dans le type de jeu que je cherche à promouvoir, tout est au service de la simulation (ce qu’aujourd’hui on appelle « le thème »). Ces jeux d’immersion ne sont pas des jeux où « le thème accompagne le gameplay ». C’est tout l’inverse. Le gameplay n’a de sens que par ce qu’il représente dans la diégèse. Dans ce type de jeu, toute règle est diégétique.
J’aimerai faire renaître cet aspect plus littéraire des jeux de société, qui a eu son heure de gloire pendant les années 80-90 et qui s’efface aujourd’hui devant une vision plus mécaniste, faite de pose d’ouvriers et de deck building… J’aimerai contribuer à faire renaître des jeux qui font vivre une aventure ou ressentir une émotion.
Par exemple : comment faire ressentir la peur dans un jeu ? On pourrait penser que le jeu de rôle est l’outil idéal pour cela. Mais je constate que, au début d’une partie de jeu de rôle, par exemple, on est à peu près certain que le maître de jeu ne tuera personne avant quelques heures et – de fait – on n’a pas peur pour sa vie, quelle que soit la situation. Dans un jeu de société, avec des règles fixes et la possibilité d’être éliminé, on peut avoir vraiment peur que tout s’arrête sur une mauvaise décision ou un mauvais hasard. On retrouve ce sentiment dans un jeu comme Magic Realm (1977…).
Bref, il y a un potentiel dans le jeu de société qui – je pense – est sous-exploité aujourd’hui et qui vaut la peine qu’on lui consacre de l’énergie (ce que je fais modestement 😉 )
Les thèmes qu’on aimerait voir dans les jeux de société… La vie quotidienne du peuple opprimé ? Kolejka ! Un jeu polonais qui nous met dans la peau de citoyens polonais derrière le rideau de fer. Le but du jeu est simplement de faire ses courses dans un monde de pénurie où il faut se lever à 5h du mat pour acheter un gigot ou une brosse à dent. Un jeu sur les rapports humains dans les files d’attente…
J’ai hésité à écrire ce message, mais ça fait plusieurs épisodes que je vous trouve un peu à côté de la plaque côté cinéma. On peut pas être spécialiste de tout : vous en connaissez beaucoup plus que moi rayon jeux de société. Par ailleurs, le cinéma est un médium qui n’évolue quasiment plus depuis les années 80, c’est-à-dire qui n’a pas vraiment bougé durant notre génération, ce qui peut expliquer le manque d’intérêt qu’on peut lui porter aujourd’hui.
Je ne vais donc pas faire un cours complet d’histoire du cinéma mais juste résumer très rapidement et avec énormément de simplification les grands débat sur la question de la narration dans le cinéma de fiction (par opposition au documentaire).
Globalement le cinéma classique (années 30 à 60) estime que la mise en scène se doit d’être au service de la narration. Le scénario reste donc un élément central de la fabrication d’un film. C’est ce qui donne les chefs-d’œuvre des cinémas américains, français ou japonais classiques entre autres.
A partir des années 60, grâce à la montée en puissance de la théorie des auteurs, émerge cette idée qu’un très grand film est d’abord un film de mise en scène, qui transcende par les moyens propres au cinéma les limites de la narration écrite et du dialogue.
Évidemment, l’arrivée dans les années 80 du modèle des gros blockbusters hollywoodiens efficaces va écrabouiller à terme toutes ces réflexions pour ne laisser que le champ de ruine capitaliste qu’on connaît aujourd’hui…
Je pourrais citer d’innombrables films en exemple, mais je me contenterai de deux pour que les esprits curieux puissent saisir mes explications facilement. « Johnny Guitar » de Nicholas Ray en 1954 et « Il était une fois dans l’Ouest » de Sergio Leone en 1968 sont tous deux considérés comme des chefs-d’œuvre du western. On sait moins que le second est une réécriture du premier. On a typiquement ici l’exemple parfait de classicisme et de modernité.
Le film de Ray est peut-être le plus grand film féministe de l’histoire du cinéma : son scénario simple en apparence mais très complexe en réalité subvertit finement les stéréotypes du western hollywoodien classique pour dessiner le portrait d’une Amérique étouffée par sa morale bourgeoise mais où in fine, ce sont les femmes qui ont le pouvoir.
Quatorze ans plus tard, le scénario du film de Leone, en reprenant nombre des personnages et des thématiques du précédent, mais n’ayant plus rien à voir dans le détail est à la fois beaucoup plus simple sur le fond mais beaucoup plus étrange sur la forme, à la limite parfois de l’incohérence. Du coup, c’est la mise en scène somptueuse qu’on retient chez Leone et qui transforme l’histoire en sorte d’opéra grandiose sur l’avènement de la modernité.
Comparez simplement le début des deux films : chez Ray, le héros arrive à cheval, assiste à une attaque de diligence qui aura un rôle important pour la suite de l’intrigue et arrive dans le saloon tenu par une femme Vienna, où tous les personnages défileront les uns après les autres pour construire l’exposition du récit.
Chez Leone, trois cow-boy arrivent dans une gare et pendant près de dix minutes, il ne se passe quasiment rien (https://youtu.be/QML28YQBvyc). Au bout de dix minutes, le train arrive, le héros en descend et il élimine les trois personnages. C’est une séquence totalement gratuite en terme de narration qui tient presque uniquement à sa mise en scène. Le but n’est plus ici de construire une histoire mais de créer un moment fort de cinéma en s’appuyant sur la durée.
Car c’est sans doute la grande caractéristique du cinéma moderne (voire de la modernité en général, tous médias confondus, depuis Proust notamment) : il travaille le creux, le blanc, l’attente, ce qu’une narration classique considérerait comme inutile pour en faire profondément l’expérience de nos vies, constituées essentiellement de vide plutôt que de grandes péripéties romanesques.
Pour finir là-dessus, j’aimerais utiliser cet exemple pour rebondir sur ce que disait Polgara au sujet du scénario, opposant narration et dialogue. Je pense qu’effectivement une grande scène comme celle que je viens d’évoquer peut se passer de dialogues, mais ce n’est pas pour autant qu’elle n’est pas « écrite ». Au contraire, les actions des personnages sont extrêmement précises et soulignées par la mise en scène : une sorte de micro narration muette se construit entre le cow-boy assis sur son rocking-chair qui dérangé par une mouche finit par piéger celle-ci dans le canon de son revolver, à celui qui accumule les gouttes d’eau sur son chapeau pour finir par les boire. Leone a trouvé le moyen de raconter sans les mots : ce n’est pas pour ça qu’il ne raconte pas !
Assez surpris, dans une premier, sur la partie « intro » dans les oeuvres narratives. La « mise en place » du jeu n’est quasi pas évoqué alors qu’elle me parait essentiel dans la narration. C’est elle qui pose le cadre de ce que va être le jeu. Dans ce chapitre, vous parlez un peu de la thématique, qui est réabordé en plus et correspond plutôt au 4° (ou 5°) point.
Or, la mise en place, aussi bien dans sa phase rituel (évoquée) que dans ce qu’elle prépare pour la suite est essentielle et correspond alors bien plus à la présentation évoquée à ce moment de l’émission. Elle pose un cadre au moins aussi important que le thème général du jeu. Typiquement, Abalone est un jeu où la mise en place a été modifié pour modifier la narration du jeu. D’une narration assez scriptée, voire répétitive, la modification de la mise en place (et donc de la présentation du cadre de l’oeuvre) a permis d’apporter de nouvelles options qui font que le jeu nous « raconte » autre chose. C’est pour moi assez essentiel de mettre en avant cette « mise en cadre » du jeu, qui commence avec ce qui est proposé aux joueurs dès le début.
J’ai un gros problème avec la partie du Pionfesseur sur cette émission. Il exprime le fait de chercher à avoir du narratif par du texte. J’ai déjà eu cette discussion avec d’autres personnes qui sont dans cette recherche : trouver dans le jeu une narration littéraire pour faire vivre autre chose que ce que propose le jeu actuellement.
Pour moi, cette volonté est catastrophique : elle tue l’idée même de jeu en cherchant à amener l’écrit dans le jeu pour faire vivre des émotions par l’écrit. Donc par un support utilisé 1000 fois mieux par la littérature. Le jeu doit, à mon sens, absolument se détacher de l’écrit et réussir à trouver ses propres outils pour véhiculer des émotions.
S’il le fait par le texte, à mon sens, il échoue. Ca a déjà été fait dans « Les livres dont vous êtes le héros » qui ont déjà abordé beaucoup de thèmes (et qui pourrait aller plus loin).
Mais sur le médium jeu de société (réunion de personnes dans un lieu unique autour d’un matériel commun et de règles utilisées uniquement dans le cadre de ce jeu), je suis persuadé qu’il ne prendra son envol que quand il arrivera à produire des émotions par ce qu’il est et sans chercher à singer le livre.
En ça, cette volonté de vouloir mettre en avant l’écrit dans le jeu plutôt que les mécaniques, ne peut que desservir les choses. Typiquement, quand Friese, dans son jeu Feierabend, met en place une mécanique permettant au joueur de choisir de diminuer les inégalités salariales homme/femme, il propose, par la mécanique, de faire un vrai choix et, en même temps, il t’interroge sur le monde qui t’entoure. C’est, à mon sens, beaucoup plus pertinent que proposer le même choix par du texte (pour préciser les choses, le jeu propose d’augmenter les salaires de manière globale ou de diminuer l’inégalité salariale : en terme stratégique, c’est exactement la même chose, aucune différence pour le joueur, donc, oui, c’est clairement un choix fait par l’auteur pour faire réfléchir, sans utiliser le verbiage mais le langage de l’auteur de jeu : c’est beaucoup plus puissant à mon sens).
De plus, si jouer à Puerto Rico te fait te poser moins de questions que lire Germinal, est-ce parce que Puerto Rico fait mal son job ou est-ce parce que, toi, tu te poses plus facilement des questions face à un livre que face à un jeu ?
Bonjour à tous,
J’écoute cet épisode avec beaucoup de retard. Le débat était vraiment très intéressant, merci à vous.
Je vous fais part des réflexions qui me sont venues en vous écoutant.
J’ai vraiment été étonné par le jeu Paléo qui a réussi à me plonger dans une histoire alors qu’il n’y a aucun texte et est plutot présenté comme un jeu de gestion. Et pourtant, j’ai vécu l’aventure.
@Polgara tu parlais de la place du personnage par rapport au joueur. Dans les jeux à identité secrète, on joue bien un personnage. On se retrouve parfois à jouer « le méchant » ou le traitre, alors que ce n’est pas le choix qu’on aurait fait. Les actions sont alors bien dictées par le personnage et non le joueur. Je pense en particulier à Shadow Hunter, mais ça marche aussi avec les Loups-garou ou Mafia de Cuba.
Le jeu de rôle où l’on rentre dans la tête des patients, c’est La méthode du Docteur Chestel.
Concernant la romance (et je l’espère les choix moraux), je vous invite à Versailles avec le dernier Cartaventura ^_^
Bonjour Ladaline
merci beaucoup de ton commentaire. je t’avoue que même dans les jeux à identité secrète j’ai beaucoup de mal à séparer mon perso et moi-même, et même dans le jdr je ne suis pas toujours à l’aise
mais je pense que c’est vraiment lié à la personnalité et la sensibilité des gens