C’est en 2011, après avoir conçu quelques jeux moins remarqués, que Stefan Feld nous propose Les Châteaux de Bourgogne, le jeu qui fera rentrer Stefan Feld au panthéon des auteurs et autrices de jeux de société !
Dans ce Sortons le Grand jeu, Cyrus et Le Pionfesseur vous ont concocté un menu tout particulier. Avec cette émission, il est question de salade de point mais aussi, et peut-être surtout, de parler de Stefan Feld, l’auteur allemand qui s’est imposé dans le paysage de ce qu’on appelle aujourd’hui l’ « eurogame ».
Pour nous soutenir, nous remercier ou encore nous encourager, vous pouvez le faire via virement bancaire ou PayPal (https://www.paypal.me/proxijeux).
2:42:13 - Télécharger le fichier mp3
Vous pouvez « streamer » notre podcast ou vous abonner à notre flux Apple Podcast. Si vous nous appréciez, notez notre Podcast dans Apple Podcast et laissez-y un commentaire ! Sur Android, nous vous recommandons d’utiliser l’application (gratuite) Podcast Addict.
Introduction
Commentaires précédents
On revient sur les quelques commentaires de l’émission précédente qui dans laquelle Cyrus et Le Pionfesseur retraçaient l’histoire du Möllky. Vous pouvez retrouver ces commentaires ici.
Les Châteaux de Bourgogne, c’est quoi ?
Les Châteaux de Bourgogne est un jeu de société sorti en 2011 chez Alea (la branche « coregamers » de Ravensburger). Le jeu était alors illustré par Julien Delval (pour la couverture) et Harald Lieske. Il s’agit d’un jeu qui se joue de 2 à 4 joueurs et joueuses à partir de 12 ans. Les parties durent de 30 à 90 minutes selon l’éditeur.
Le jeu n’est malheureusement pas trouvable à la Caverne du Gobelin actuellement.
Dans Les Châteaux de Bourgogne, au début d’une manche, les joueurs et joueuses vont chacun et chacune lancer 2 dés qui détermineront les actions qu’ils et elles pourront faire. Parmi ces actions, il est possible de :
- Prendre une tuiles sur un plateau central ;
- Poser une de ces tuiles préalablement récupérée sur notre plateau personnel.
Les valeurs des dés vont limiter nos choix.
Il y a plein de types de tuiles différents, chaque type correspondant à un type d’effet :
- Points de victoire directs ;
- Objectifs de fin de partie ;
- Devenir premier joueur ;
- Gagner des actions bonus ;
- Etc.
En plaçant nos tuiles on peut gagner des bonus de points de victoire :
- Quand on complète un territoire (un secteur de cases de même couleurs) ;
- Quand on a rempli toutes les cases d’une même couleur sur tout notre plateau (c’est une course : plus on fait cela avant les autres, plus on gagne de points).
Pourquoi Les Châteaux de Bourgogne est un grand jeu ?
Les prix :
- 2011 – Tric Trac de Bronze (France)
- 2011 – Recommandé au Spiel des Jahres (Allemagne)
- 2011 – Vainqueur du Meeples’ Choice Award (USA)
- 2011 – Finaliste au Jocul Anului în România Advanced (Roumanie)
- 2011 – Nommé à l’International Gamers Award – General Strategy; Multi-player (International)
- 2011 – Nommé au Golden Geek Best Strategy Board Game (USA)
- 2011 – 2ème au Deutscher Spiele Preis Best Family/Adult Game (Allemagne)
- 2012 – Nommé au Golden Geek Best Strategy Board Game (USA)
- 2012 – Vainqueur du Games Magazine Best New Advanced Strategy Game (USA)
- 2012 – Nommé à l’As d’Or – Jeu de l’Année (France)
- 2018 – Finaliste au Juego del Año (Espagne)
- 2018 – Vainqueur du Gra Roku Game of the Year (Pologne).
Il vient de remporter la Tric Trac Cup de cette année (2024)
Les classements :
Sur Boardgamegeek : 16ème (c’est le jeu le mieux classé de Stefan Feld)
- Top 50 en mars 2012
- 21ème en janvier 2013
- 8ème au début 2016
Les éditions :
- 2011 – Édition d’origine par Alea qui a été reprise en 9 langues de jusqu’en 2017 environ et qu’on trouvera jusqu’en 2019
- Hobby World en Russie
- Giochi Uniti en Italie
- Rebel en Pologne
- etc.
- 2019 – nouvelle version appelée “Deluxe” en FR ou Big Box dans certains pays (toujours Alea)
- Inclus 8 extensions dont 7 parus précédemment et une exclusive
- inclus un plateau exclusif
- Cette version sera traduite dans 11 langues et s’étalera de 2019 à 2023
- 2023 – The Castles of Burgundy: Special Edition par Alea et Awaken Realms
- 9 langues
- un passage par Gamefund avec près de 23 000 contributeurs pour près de 3M € !!! Le pledge manager fera monter ces chiffres à presque 28 000 contributeurs (!!!!) et presque 5,8 M€ !!!!!!!! (source)
- Le jeu bénéficiera d’une campagne de reprint (source) rapportant 4,3M€ pour près de 21 000 backers !!!!!!!!!!!!!
- Elle inclus 11 extensions.
Ré-implémentations :
- The Castles of Tuscany (2020)
L’analyse
- Le jeu était prévu initialement pour Essen 2010
- Le jeu était plus complexe au départ, mais la mécanique de dés y était déjà présente
- Stefan Brück aimait la mécanique de dés, mais il trouvait le jeu trop complexe, ils ont donc entamé un processus d’épuration du jeu
- Accueil de l’époque a été assez unanime, on a beaucoup pesté sur l’ergonomie du jeu, mais le jeu a malgré tout séduit par sa mécanique.
- Placement de tuiles (Voir notre émission sur Carcassonne)
- Mini-jeux (Voir la chronique de Le Pionfesseur)
- Utilisation de dés pour faire ses actions
- Eurogame
- La salade de points
Le Val de Loire au cours du XVe siècle. En tant que princes influents, les joueurs consacrent leurs efforts au développement de leur domaine et de leur richesse, par le commerce, l’élevage et la construction.
Quand on connaît le jeu, on sait…
- Magic Realm (1979 – Richard Hamblen)
- L’idée y est de mettre des points de plein de manières différentes, mais ce sont les joueurs et joueuses qui définissent en début de partie ces manières de mettre des points.
- Les Princes de Florence (2000 – Wolfgang Kramer, Richard Ulrich et Jens Christopher Ulrich)
- D’une manière assez unique et indirecte, on peut le voir comme une salade de points
- Agricola (2007 – Uwe Rosenberg)
- Incite à faire de tout
- Mais on ne ressent pas l’avancée des points à chaque action qu’on fait
- Idem pour pas mal de jeu qui dérivent d’Agricola, tels que Ora et Labora ou Terres D’Arle
- 7 Wonders (2010 – Antoine Bauza)
- Troyes (2010 – Sébastien Dujardin, Xavier Georges, Alain Orban)
- Tokaïdo (2012 – Antoine Bauza)
- Sushi Go (2013 – Phil Walker-Harding)
- Five Tribes (2014 – Bruno Cathala)
- Beaucoup de Roll & Write
- Welcome To (2018 – Benoit Turpin)
- Très Fûté ! (2018 – Wolfgang Warsch)
- Salade 2 Points (2019 – Molly Johnson, Robert Melvin, Shawn Stankewich)
- Le jeu Salade 2 Points est-il vraiment un jeu avec le sentiment de salade de points ?
- Des auteurs typiquement inspirés par ce sentiment de “salade de points”
- Un peu toute l’école italienne contemporaine : Luciani, Lopiano, Mangone, Tascini, le collectif Acchittocca…
- Alexander Pfister
- Vladimír Suchý
- Le genre se marie assez bien avec la combo de cartes
- Les jeux de type PPP (Prise, Pose, Points) ou Mini-Euro exploitent beaucoup la salade de points.
Par où tout à commencer ?
Quel nom est sur toutes les lèvres ?
C’est quoi le meilleur ?
L’auteur – Stefan Feld
Sa biographie
Il est né le 2 octobre 1970 à Karlsruhe en Allemagne, tout près de la frontière française. Il a d’abord été professeur d’EPS, mais depuis 2014, il est directeur du lycée de Gengenbach (près de Strasbourg).
Déjà enfant, il s’intéressait aux jeux de société. Il a, en particulier, fait du Jeu de rôle et son jeu préféré de l’époque était « Heimlich & Co ». Il a joué à Magic (en 2008 dans une interview, il déclare d’ailleurs que c’est un des meilleurs jeux de tous les temps) et il a même créé des jeux pour jouer en famille et avec ses amis.
Il déclare avoir commencé à concevoir des jeux en 1997. En 1998, il réalise son 1er prototype pour un concours et fini 2ème. Il fréquente alors de nombreux salons de jeux et des auteurs et fait la rencontre de personnes travaillant chez QueenGames (Bernd Dietrich, a priori) et chez Alea (très vraisemblablement Stefan Brück). Depuis, il a créé une cinquantaine de jeux.
Aujourd’hui, il dit qu’il pourrait arrêter son travail au lycée, mais qu’il aime ce travail, c’est pourquoi il continue de faire ce métier en plus de créer des jeux. D’autres part, il ne voudrait pas subir la pression de devoir créer un jeu.
Sa ludographie
- Roma (2005)
- Très atypique dans sa ludographie
- Déjà une mécanique de dés originale
- L’Année du Dragon (2007)
- Salade de points à l’envers : on évite de prendre trop de pénalités
- Notre Dame (2007)
- Mécanique d’actions qui se bonifient
- Macao (2009)
- Mécanique d’actions qu’on planifie à long terme
- Trajan (2011)
- Le plus paradigmatique de son style
- Son deuxième jeu le plus connu après Les Châteaux de Bourgogne
- Mécanique de Mancala/Awale
- Bora Bora (2013)
- Pseudo-pose d’ouvrier
- Rialto (2013)
- Le jeu de placement majorité version Feld
- Bruges (2013)
- Le jeu de combo version Feld
- Amerigo (2013)
- Utilisation de la tour à cubes comme moyen de gestion de l’aléatoire
- La Isla (2014)
- Mécanique d’encerclement
- L’Oracle de Delphes (2016)
- Un jeu de « Salade de course »
- Merlin (2017 – avec Michael Rieneck)
- Un jeu guidé par des quêtes
- Bonfire (2020)
- Le jeu somme où il recycle que des mini-jeux venant d’autres jeux à lui
- Marrakesh (2022)
- Notre Dame sous stéroïdes
Récemment, beaucoup de ses jeux ont été réédités avec un nom de ville différent chez Queen Games.
Sa patte
- Jeu de gestion
- Gestion du hasard
- opportunisme
- jouer sur le contrôle du hasard
- En particulier, l’utilisation de dés d’une manière originale
- Jeux à mini-jeu
- Généralement ses mini-jeux sont tous assez originaux
- Salade points
Trajan (2011) est sans doute son jeu le plus paradigmatique de son style
Anecdotes
- La plateau n°8 des Châteaux de Bourgogne est connu pour être trop fort ! Pensez-y pour votre prochaine partie 😉
- Le saviez-vous ? En allemand la salade « Mâche » se dit Feldsalat. Coïncidence ?
Concluons
C’est le moment de se dire au revoir, mais on se retrouve dans 2 mois pour un autre Grand Jeu !
Nos Sources
Le jeu :
- Sa fiche BGG :
- Sa fiche Wikipedia
- Sa fiche sur L’escale à Jeux
- Plato n° 42
- Jeux sur un plateau n°75
- Une histoire du jeu de société (ISBN 9791032405314)
- Une petite rétrospective sur des jeux de pose de dés
L’auteur :
- Sa fiche BGG
- Sa fiche Wikipedia
- Diverses interviews :
- sur Jeux viens à vous
- sur Ludovox
- par Dice Tower
- sur BrettSpillGuiden
- par Cliquenabend à la sortie des Châteaux de Bourgogne
- sur Opinionated Gamers
- Un article sur Stadtgame
- Son travail en tant que directeur de lycée
Et comme toujours, nos réflexions, nos analyses et nos impressions !
Merci pour l’émission.
Châteaux de Bourgogne a toujours maintenu son score dans le classement BGG en dépit des différentes éditions, dont les fiches séparées viennent sûrement plomber son « rang ». Et en dépit du look pas très sexy, le jeu n’a jamais reculé dans la bayésienne, contrairement à beaucoup d’autres. J’imagine que l’édition spéciale avec un rang attribué mettrait le jeu tout en haut du classement BGG.
Comme Concordia et Orleans, c’est un jeu qui s’est installé dans la durée avec un large public grâce à des règles accessibles.
On peut penser aussi que Bourgogne a bénéficié de son statut de jeu parfait à 2 en alternative aux petites boites (Kosmos par exemple) en vogue à l’époque. Le paradigmatique du jeu de plateau à 2 du Kennerspiel/expert (peu importe la dénomination) ?
Quant à la patte de Feld, en plus des mini-jeux, je trouve qu’il essaie de renouveler son mode de sélection d’actions régulièrement, comme en effet sur Macao. Mais aussi le roll ‘n’ move (Merlin, Um R(h)um und Ehre ? ), le bingo (Forum Trajanum), la tour à dés (Amerigo, Marrakesh).
Feld offre aussi de nombreuses possibilités de bonifier/ameliorer nos actions (un truc que je ne vois jamais dans les classifications mécaniques, comme les Tuiles Forum et +2 à Trajan) et de personnaliser notre développement/scoring sans avoir à se tenir à une ligne stratégique ni se détacher de la mécanique de sélections d’action originale, qui est toujours très simple. Ce qui je pense explique le succès des Châteaux de Bourgogne, un jeu très gratifiant (et aussi très clair avec des couleurs facilement identifiables pour chaque type de tuiles).
Il y a comme une recette qui se dégage : originalité de la sélection d’actions + contrainte par le hasard + mini-jeux + actions bonifiées + salade de points pour apporter de la cohérence au design. Feld est vraiment un genre à lui-même (avec des limites, comme pour Roma ou l’Annee du Dragon) qui se détache.
Des italiens, je trouve que Grand Austria Hotel est celui qui se rapproche le plus d’un « Feld » mais on sent la patte Luciani avec des contraintes plus importantes et un nombre d’actions beaucoup plus limité.
Pour la City Collection, on retrouve des jeux plus généreux comme Amsterdam (reprise de Macao) mais pas forcément mieux. Dommage. En plus de Brück (aléa Bourgogne, Carpe Diem, Notre Dame), Dietrich (Trajan, après Queen Games), on peut citer Ralph Bruhn (Luna, Aquasphere, Delphes, Bonfire) comme développeur « récurrent »
J’avais lu dans Spielbox qu’il avait trouvé que La Isla avait été vraiment sous-estimé selon lui et que c’était un de ses meilleurs designs.
Intéressant de voir ce qui va ressortir de Civolution, un jeu lourd avec un développeur à la pointe (Kobilke) et de son jeu de fig chez Queen Games.
Haha, quel plaisir cet épisode.
Même si personnellement l’apogée de ma « période Feld » est derrière, comme je le disais sur un réseau social (au passage pas n’importe lequel : Mastodon, mangez-en) , j’ai encore beaucoup d’estime/de nostalgie pour pas mal de ses jeux :
– L’Année du Dragon est énorme, malgré son côté très punitif et la martingale du Grand Privilège – corrigée dans les dernières versions.
– Macao reste un de mes préférés, avec la programmation sublimée par le simple fait de ne pas pouvoir stocker de ressource (mais rien de rien) d’une manche à l’autre. Dommage qu’une certaine proportion des cartes manque de personnalité, sinon il serait parfait.
– Strasbourg qui reste selon moi unique en son genre
– Trajan, pour lequel je ne trouve pas qu’il y ait tant d’aléatoire (98% de ce que dit le Pionfesseur étant vrai par ailleurs)
– Bruges, dans lequel on construit bien les canaux (non les fortifications), et qui fait super bien l’affaire en famille+
Dans une moindre mesure je ne redirai je pense jamais non à Bora-Bora (juste un peu long), Luna (impitoyable), Notre Dame (malgré ses quelques gros défauts), ni même Aquasphere.
Vous avez parfaitement dégagé sa patte, je ne vais donc pas paraphraser le commentaire précédent.
J’ajouterai toutefois deux tropes me semble-t-il non évoqués :
– l’action/la piste dédiée à l’ordre du tour. Non pas qu’il l’ait inventée, mais en revanche il me semble bien qu’il l’a démocratisée dans plusieurs de ses titres à succès dans les années 2007-2013. On la retrouve quoiqu’il en soit particulièrement fréquemment dans sa ludographie.
– une phase consistant à répondre régulièrement à une demande du jeu (généralement en fournissant des éléments), sous peine d’une pénalité. Autant c’est quelque chose de classique dans les jeux de pose d’ouvriers (nourriture proportionnelle au nombre d’ouvriers), mais il l’a repris je trouve à son compte d’une manière souvent comparable dans L’Année du Dragon (le riz), Notre Dame (les rats) Trajan (le pain et les jeux), Bruges (les menaces), Merlin (les traitres), dernièrement Marrakesh (les dattes et l’or), et j’en oublie probablement.
Super émission
Je voudrais seulement revenir sur un aspect qui a selon moi été passé un peu trop vite par Cyrus et LePionfesseur :la city collection.
C’est selon moi un projet assez unique pour l’instant dans le jeu de société qui tend tout aussi bien à démontrer que le jeu de société est un art (clin d’oeil à mon émission et au discord de proxi-jeux), que Stefan Feld est un très grand auteur aujourd’hui et de son rapport privilégié à certains éditeurs.
En effet ce qui est incroyable c’est que le nom de la gamme c’est la « stefan feld city collection ». Quel auteur a une gamme à son nom ? Dans chaque boite le jeton premier joueur est un standee à son effigie, si on prend les pièces en ferrailles elles sont « frappées » avec son visage dessus. Il est la star de la collection. De plus, il ne s’agit pas juste de nouveaux jeux mais aussi d’anciens qu’il a remanié (plus ou moins) pour l’occasion. On dirait presque une intégrale car ce ne sont pas que des jeux qui ont été édité par Queen games. Vous parliez de son lien particulier avec certains éditeurs, ici on peut dire qu’un de ses éditeurs historique est en train de faire une espèce de travail type éditions de La Pléiade. Surtout que pour l’instant aucune fin n’a été communiquée à ce projet (à ma connaissance) et que donc cela finira peut-être par une intégrale (des étoiles dans les yeux, un trou dans mon portefeuille 😉 ). Cette glorification d’un auteur étant présente dans d’autres arts, voici un argument de plus (surtout que c’est un éditeur et pas uniquement des joueurs qui portent cette starification).
Mouif, j’ai l’impression que ça montre surtout que le jeu de société est un business dans lequel il est possible de créer une fausse plus-value en starifiant quelque chose (en l’occurence Stefan Feld et ses jeux). Ca n’est pas parce que l’auteur est mis en avant que ça en fait de l’art (je ne dis pas que ça n’en est pas, juste que ça n’est pas un critère en soit).
J’aurais été d’accord avec toi si on avait eu une collection qui se voulait en accord avec l’oeuvre de Feld (rien que le fait de changer le thème des jeux ça en dit long) et surtout pas hors de prix pour rien si ce n’est tirer un maximum des joueurs prêts à mettre la main au portefeuille. Le côté « City collection » je vois surtout ça comme une manière de générer de la FOMO sur des jeux qui n’ont pas de lien entre eux…
Je suis d’accord avec toi, la reconnaissance de l’auteur n’en fait pas de l’art mais il y participe (si on aborde l’art dans une perspective sociologique). Concernant l’industrialisation du jeu de société, le mode de production ne décide en aucun cas de la valeur artistique d’un objet. Si on prend l’exemple du cinéma, il est facile de trouver des films underground ou indépendants qui sont sans valeur artistique et complétement formatés et, à l’inverse, des chefs d’œuvres innovateurs au sein d’un mode production hyper standardisé, comme peut l’être celui d’Hollywood.
Vu le manque d’intérêt de Feld pour ses thèmes, il me semble, au contraire, que la collection respecte parfaitement cet auteur de jeux à l’allemande.
Concernant la politique tarifaire de Queen Games, ça rejoint selon moi le côté La Pléiade : un objet de luxe. Ce qui démontre un embourgeoisement du jeu de société qui participe à sa reconnaissance sociale en tant qu’art.
Enfin ta dernière phrase me semble contradictoire, tu parles de jeux qui n’ont pas de lien entre eux, quand justement leur lien, c’est leur auteur.
Dans les jeux avec une pénalité de points en fin de partie j’ai pensé à Middle Ages (=-10 par famille de bâtiment n’ont construite). Finalement quand on y regarde un peu , Middle Ages c’est une forme de salade de points. On marque un peu partout, c’est surtout les 4 cartes objectifs qui vont donner des tendances où investir le plus.
Felds tout comme Pfister fait parti de ces auteurs de jeux qui offre en général des mécaniques qui correspondent à mes plaisirs ludiques. De la stratégie, de la profondeur mais un brin de hasard toujours maîtrisable. A part Marrakesh j’ai été moins conquis par ses dernières créations…. Les CDB est mon top one et le restera longtemps d’autant que je n’ai pas hésité à pledger le premier financement participatif tant je l’ai souhaité et je ne suis pas déçu… Enfin une édition digne de ce superbe jeu. Quand on voit les sorties actuelles des jeux experts, ou il y a trop de tout partout, ici on a un jeu épuré avec au final un choix d’action parmi 4. Mais quels choix!!! C’est toujours cornélien de décider des 2 actions optimales à faire à son tour de jeu…. C’est un jeu gratifiant…. La salade de point ne me gêne absolument pas tant qu’elle est digeste. J’aime beaucoup aussi Trajan et son côté mini jeu de sélection d’action et Bruges, plus léger mais très agréable à jouer. Notre Dame m’a aussi fait une bonne impression sur les 3 parties que j’ai faites. Par contre même si l’Année du Dragon est très sympa je le trouve trop punitif à mon goût. J’ai bien aimé Forum Trajanum aussi avec une mécanique originale de choix d’action. Quant à Carpie Diem je crois que c’est le jeu le plus moche que je n’ai jamais vu, tellement que mon expérience de jeu en a été pertubée. Je suis très déçu des rééditions avec cette City Collection. Hamburg est à mon avis l’exemple du mauvais choix avec une iconographie moins claire que celle de Bruges et des illustrations discutables….. Bref les rééditions mériteraient un épisode spécial….
Très bonne émission, n’ayant que très peu pratiqué des jeux de Feld (en fait je n’ai joué qu’aux Châteaux de Bourgogne et à sa version cartes) j’ai beaucoup apprécié le panorama offert, merci à vous deux !
Pour revenir sur la salade de points, une composante essentielle à mes yeux est la sensation de « same-same » à chaque tour : quelle que soit la possibilité que l’on choisisse (qui doivent être nombreuses), on va marquer un peu de points et surtout LE VOIR, généralement en progressant sur une piste de score, ce qui peut donner la sensation que tout se vaut (sensation que je ressens généralement et qui m’éloigne de ce genre).
C’est ce qui fait que je ne considère pas Five Tribes comme une salade de points (je sens bien quand je fais un coup normal ou un bon/très bon coup à mon tour, sans compter les enchères qui brouillent la sensation du gain) et encore moins 7 Wonders (non seulement on compte les points à la fin, mais en plus on n’a pas de vision claire sur ce que notre coup nous rapporte réellement, à l’exception des cartes bleues et des niveaux de merveille). Du coup Salade de points ne rentre pas pour moi dans cette catégorie non plus.
Je n’ai fait que quelques parties des CdB, pas assez pour me prononcer sur son statut de « grand jeu », mais je comprends son succès qui est tout à fait mérité à mon sens : oui le jeu n’est pas très sexy, oui il peut donner une impression de complexité et de lourdeur vu de loin, mais il s’explique super bien, les différentes voies de scoring sont très claires et faciles à retenir, les tours sont rapides car la prise de décision est facilitée par les dés et on peut presque toujours faire quelque chose d’intéressant à son tour (quitte à préparer en se projetant sur le suivant), ce qui est très satisfaisant (le fameux côté « mini-jeux »). Pour un jeu de ce niveau c’est assez impressionnant et je comprends qu’il puisse être utilisé pour initier des joueurs motivés au jeu de gestion (là où le côté frustrant et punitif d’Agricola peut éventuellement les dégoûter).
Hello tout le monde,
Je suis en cours d’écoute de l’émission mais je voulais déjà rebondir sur l’édition « spécial édition » et sa campagne gamefound.
J’adore les châteaux de Bourgogne mais c’est vrai que le matériel de la boite de base d’Aléa (unique boite que je possède) ne fait pas saliver à l’idée de mettre en place le jeu et d’y jouer en soirée avec du faible éclairage. Le jeu est austère au possible… ça rejoint toujours le débat de la « juste » édition. J’ai personnellement un grand plaisir à jouer à Narak (et boum je viens de perdre Sirus et Pionf) et son matériel riche qui, en + du game play que j’apprécie, me procure un grand plaisir visuel. Le côté austère des Châteaux de Bourgogne fait qu’aujourd’hui je ne le sort que très peu! Avoir un jeu « beau » donne le petit quelque chose en + qui engendre le petit plaisir à le sortir et le manipuler. (Entre 2 bonnes pâtisseries, la plus belle sera toujours davantage consommée :), je suis gourmand aussi en + d’être joueur). Faire découvrir en 2024 ce jeu à des joueurs nouveaux d’aujourd’hui peut compliquer leur attention et leur envie de découvrir le titre.
Après je n’ai pas craqué pour la version « spécial édition ». Cette édition corrige complètement le côté austère que je reproche à ma vieille édition Aléa mais pour le coup il y en a beaucoup trop dans la boite. Je frôle l’indigestion de matériel (pour revenir à ma métaphore pâtissière). Je veux juste pouvoir jouer au jeu de base avec le meilleur matériel possible sans avoir une boite de 40 cm de hauteur avec 9 extensions auxquelles je ne jouerai jamais…
J’ai par contre craqué pour la campagne gamefound de la spécial edition de Puerto Rico! Puerto rico (édition aléa que j’ai également) a à peu près le même problème de matériel moche que les Châteaux de Bourgogne. Les tuiles plantations et bâtiments sont d’un tristes… La spécial édition fait du coup honneur au jeu (même sans les packs de figurines qui pour moi ne servent pas forcément à l’expérience de jeu) et ne rajoute pas mille extensions inutiles!
La campagne a eu moins de succès que celle des Châteaux mais reste belle : 3 624 540 dollars pour 18443 backers.
En synthèse, les châteaux de Bourgogne et Puerto Rico sont des jeux supers qui méritent de continuer à vivre. L’esthétique et la mode évoluent avec les années (quand on regarde les pull qu’on nous mettait quand nous étions petits!). Pour notre plaisir, la technique évolue également, il est aujourd’hui possible d’avoir du matériel plus adapté et plus beau qui se met au service du jeu. Rafraîchir ces vieux jeux permettra de les rendre plus facilement sortable avec un large publique et de nous redonner (en tout cas pour moi) l’envie de les sortir!
Bien ludiquement,
Mon problème avec la luxification du matériel c’est que précisément ce n’est pas le matériel qui se met au service du jeu, mais plutôt au service du marketing.
Une bonne mise en scène et une ergonomie correcte seront toujours plus importants que la « qualité » du matériel.
Et puis j’ai envie d’un côté austère parfois moi aussi :). Ca me donne des émotions différentes, plus particulières, j’y ressent une forme d’authenticité. J’aime bien la musique lo-fi aussi par exemple dans ce genre d’idée.
J’ajoute que cette norme de luxe n’est pas spécialement « mieux », elle ressemble plus à une norme médiocre imposée par les standards de production. C’est les éditeurs qui décident d’attirer l’oeil des joueurs sur ça mais c’est une sorte de piège esthétique. On attire ton attention, on est pas en train de te faire vivre une vraie émotion authentique et pure.
Merci pour ce superbe SLGJ sur Feld ! C’était un bonheur à entendre. Un grand dossier sur un grand auteur 🙂
Comme le dit Cyrus, Feld est très doué pour la gestion du hasard.
En fait, j’irai même plus loin. Il laisse la possibilité aux joueurs de pouvoir contrer les fléaux qui peuvent leur tomber dessus.
Evidement, dans l’année du dragon, on ne fait que ça, se battre contre les fléaux qu’on voit arriver. Mais dans bien d’autres jeux, il va falloir choisir entre construire son jeu pour gagner des points ou perdre un tour de jeu pour éviter des pertes potentielles:
– dans bruges, on peut dépenser 1 carte d’une couleur pour dégager un tiers de fléau…. ou décider de prendre le risque de le subir, éventuellement
– Dans l’oracle de Delphes, on peut dépenser le dé d’une couleur pour éviter d’avoir 3 fléaux de cette couleur ou 6 fléaux toute couleur confondues, potentiellement
– Dans Marrakesh, on peut perdre beaucoup de point s’il nous manque ne serait-ce qu’une ressource en fin de manche. Le jeu va nous demander de choisir quand on arrête de dépenser ces ressources pour payer ce « péage de manche » : on dépense pour gagner plus de points et on espère regagner des ressources ou on arrête ?
-Dans Kathmandu, prendre des fatigues peut mener à perdre un tour. Prend-t-on le risque d’approcher des 3 fatigues fatidiques ?
-Dans notre-dame, va-t-on préférer prendre des cartes qui protègent d’une peste potentielle ou prendre des cartes qui font marquer des points ?
Plus que la gestion du hasard, j’insiste donc sur les choix de la prise de risque. Il y a un côté stop ou encore en voyant monter des jauges qui peuvent être, ou non, critiques et devoir décider quand on arrête de prendre ce risque.
Perso, j’adore cette sensation où l’on va doser ce qu’on est capable d’encaisser… ou non.
Super dossier. Merci encore